Actualité (mai 2022) : des autochtones de l’Amazonie brésilienne confrontent le marché aurifère suisse à ses responsabilités
Des forêts en feu, des milliards d’arbres abattus, des cours d’eau et une population empoisonnés : l’exploitation du territoire d’Amazonie est lourde de conséquences. Dans le domaine de l’extraction d’or, la Suisse porte une grande responsabilité étant donné que jusqu’à70 % de l’or mondial y est négocié ou raffiné. La transparence dans le commerce aurifère devrait être une priorité pour qu’aucun or ayant un lien avec les violations des droits humains et la pollution environnementale ne parvienne en Suisse. En outre, des établissements financiers suisses financent l’exploitation des matières premières en Amazonie et avec elle la destruction de l’environnement. Un nouveau rapport de la SPM révèle les liens entre le marché aurifère suisse et le Brésil, et une délégation de l’Amazonie brésilienne s’est rendue en Suisse au début du mois de mai pour confronter des acteurs suisses du secteur à leurs responsabilités.
Actualité (printemps 2022) : lutte pour la transparence dans les importations d’or
Le 31 mars 2022, le Tribunal administratif fédéral a donné suite à un recours des quatre grandes raffineries d’or. Ce faisant, le tribunal a rejeté la demande de la SPM de divulguer l’identité des fournisseurs des raffineries et protège ainsi le secret fiscal des raffineries suisses. Garantir la transparence, de la production jusqu’aux consommateurs·trices, serait pourtant essentiel pour en finir avec ce commerce sale.
Compte tenu du secret total qui entoure le commerce aurifère, la Société pour les peuples menacés (SPM) avait demandé, en février 2018, à l’Administration fédérale des douanes de pouvoir consulter les dossiers concernant l’origine des importations d’or. Elle réclamait la publication de la liste des fournisseurs d’or des quatre plus grandes raffineries suisses, de 2014 à 2017. Cette demande faisait suite au rapport de la SPM « La Suisse, plateforme de l’or à risques ? » publié en avril 2018.
Initialement, l’AFD avait rejeté la demande de la SPM qui avait alors demandé au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) une procédure de conciliation avec l’Administration fédérale des douanes. Le PFPDT avait recommandé de donner suite à la demande de la SPM. L’Administration fédérale des douanes avait suivi cette recommandation et autorisé la publication des données. Mais par la suite, les raffineries avaient fait appel auprès du Tribunal administratif fédéral contre cette décision. Celui-ci s’est prononcé en faveur des raffineries, rejetant ainsi la demande de la SPM.
Le Tribunal administratif fédéral fonde sa décision sur l’argument principal avancé par les raffineries et selon lequel les relations commerciales sont couvertes par le secret fiscal. Or, les nombreux scandales de ces dernières années prouvent que les mesures de contrôles existantes ne suffisent pas. La transparence sur l’origine de l’or importé est nécessaire pour contrôler, de manière indépendante, qu’aucun or sale ne se retrouve en Suisse. Pour cela, la SPM poursuit sa cause et va porter l’affaire devant le Tribunal fédéral.
Actualité (juillet 2020) : Metalor achète de l'or propre de l'exploitation minière artisanale du Pérou
En été 2019, la société Metalor annonçait ne plus acheter d’or issu d’exploitation minière artisanale et de collecte (ASM), suite aux investigations préliminaires menées à l’encontre de son principal fournisseur péruvien, Minerales del Sur, soupçonné de blanchiment d’argent et d’extraction d’or illégale. Aujourd’hui, Metalor a repris son activité avec les ASM au Pérou, par le biais de la société Minera Yanaquihua S.A.C. implantée dans la région d’Arequipa dans les hautes terres péruviennes, à qui elle achète chaque année près de 500 kilogrammes d’or issu d’exploitation ASM.
Minera Yanaquihua S.A.C. est soutenue depuis 2019 par l’initiative « Better Gold Initiative for Artisanal and Small-scale Mining », la filiale péruvienne de la Swiss Better Gold Association (SBGA), qui accompagne les mineurs au Pérou et veille au respect des normes. Par ailleurs, la mine a obtenu la certification « Chain of Custody » du Responsible Juwelery Council et reçoit, depuis 2010, le soutien de l’ONG Solidaridad en ce qui concerne le processus de formalisation et les questions sanitaires et environnementales.
Sur le principe, la Société pour les peuples menacés (SPM) voit d’un bon œil la décision de Metalor de reprendre son activité avec les ASM au travers du partenariat avec Minera Yanaquihua S.A.C. : Car en collaborant avec la « Better Gold Initiative », l’exercice du devoir de diligence et la transparence semblent garantis. Au niveau mondial, les petites exploitations minières constituent, de façon directe et indirecte, une source indispensable de revenus pour des millions de personnes. Il est donc essentiel que les acteurs mondiaux travaillent ensemble à l’élaboration de solutions pour les petites exploitations minières afin de garantir la transparence dans l’activité d’extraction du métal précieux tout en répondant aux exigences sociales et environnementales.
Si Minera Yanaquihua S.A.C. continue de s’avérer socialement et écologiquement durable, elle pourrait servir d’exemple de bonnes pratiques et ouvrir des perspectives à d’autres petites exploitations minières.
Aussi bienvenu soit le partenariat de Metalor avec Minera Yanaquihua S.A.C., deux problèmes importants demeurent néanmoins : d’une part, la situation dans la région péruvienne de Madre de Dios reste catastrophique, même si Metalor a mis fin à ses relations commerciales avec l’un des principaux exportateurs de la région. L’or produit dans cette région et dont les conditions d’extraction font des ravages sur l’environnement et violent les droits humains continue de trouver preneur partout dans le monde. D’autre part, les quantités d’or issu d’ASM extrait de manière responsable en tenant compte des critères sociaux et écologiques restent infimes par rapport à la quantité totale produite.
Les acteurs présents tout au long des chaînes d’approvisionnement doivent par conséquent travailler ensemble à trouver des solutions au niveau mondial. La SPM considère qu’il revient aux raffineries d’œuvrer pour garantir de meilleures conditions de production et veiller au respect des normes environnementales. Cela permettrait d’élaborer des projets pilotes et d’appuyer le processus de formalisation dans le domaine des ASM, notamment dans les régions péruviennes de Madre de Dios ou de La Rinconada où la situation est désastreuse. Par ailleurs, pour garantir un commerce aurifère respectueux de l’environnement et socialement responsable, en particulier dans les petites exploitations minières, la provenance de l’or doit être indiquée en toute transparence et une obligation de contrôle de diligence, qui soit juridiquement contraignante pour les entreprises conformément à l’Initiative pour des multinationales responsables, est nécessaire.
La SPM continuera de suivre de près les avancées dans le secteur aurifère suisse.
Actualité: Metalor se retire de l'exploitation minière artisanale
A la mi-juin 2019, Metalor, l’une des plus grandes raffineries d’or au monde, basée à Neuchâtel, a annoncé son intention de se retirer complètement des activités d’exploitation minière artisanale et de collecte en Colombie et au Pérou jusqu’à ce que les conditions nécessaires soient en place. La Société pour les peuples menacés y voit une solution à court terme compte tenu de la situation extrêmement dévastatrice sur le terrain. Mais l’industrie de l’or a besoin avant tout d’un engagement accru en faveur de conditions propres, de chaînes d’approvisionnement courtes et de transparence.
Depuis des décennies, la raffinerie s’approvisionnait en tonnes d’or auprès de dizaines de producteurs, de collecteurs et de petites sociétés minières au Pérou. Parmi elles se trouvaient des sociétés qui s’approvisionnaient en or dans les pires régions minières comme Madre de Dios et La Rinconada. La SPM a attiré à plusieurs reprises l’attention sur les griefs de certains fournisseurs. La SPM peut comprendre la mesure de Metalor visant à ne pas contribuer davantage à ces circonstances graves à court terme. A moyen et long terme, Metalor a toutefois la responsabilité d’œuvrer à l’amélioration durable de l’exploitation minière à petite échelle.
Au Pérou et dans d’autres pays, d’innombrables personnes dépendent des revenus de l’exploitation minière artisanale et de l’entreprise du collectionneur pour survivre. Pour que cela soit compatible avec les droits humains et l’environnement, la chaîne d’approvisionnement doit être aussi courte et transparente que possible. La SPM appelle les raffineries suisses à s’engager à moyen et long terme pour de meilleures conditions de production et le respect des normes environnementales, par exemple dans le cadre de la Better Gold Initiative ou du programme de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (UNIDO). En outre, la SPM invite les raffineries à la transparence sur leurs activités commerciales et à s’engager dans un solide contrôle de diligence, comme l’exige l’initiative pour des multinationales responsables.
Actualités (14 mars 2019): la suspicion du Ministère public péruvien
Fin Mars 2018, les douanes péruviennes avaient saisi près de 100 kilos d’or appartenant à Minerales del Sur et destinés à la raffinerie suisse Metalor. Des documents que la Société pour les peuples menacés a pu consulter montrent que les autorités péruviennes suspectent la société exportatrice d’or Minerales del Sur pour blanchiment d’argent et d’extraction d’or illégale.
Les autorités péruviennes ont ouvert une enquête préliminaire suite à la saisie de près de 100 kilos d’or destinés à la raffinerie suisse Metalor. En décembre 2018, un tribunal péruvien a décidé que l’or saisi serait définitivement confisqué. Et le 25 février 2019, un tribunal supérieur a débouté le recours contre la saisie. La Société pour les peuples menacés (SPM) a pu consulter des documents afférents à cette affaire, issus des tribunaux et du Ministère public péruvien compétent. Y sont notamment présentées les suspicions des autorités à l’encontre de Minerales del Sur, suspectée de blanchiment d’argent et d’extraction d’or illégal. Le Ministère public péruvien avance notamment les indices suivants (à l’heure actuelle, l’ensemble des parties concernées par la procédure en cours bénéficie de la présomption d’innocence) :
- le Ministère public péruvien a recensé 16 « fournisseurs à haut risque » de Minerales del Sur, entre janvier et mars 2018. A titre d’exemple, une de ces fournisseurs d’or a livré trois kilos des 100 kilos d’or saisi en indiquant sa concession comme lieu d’origine du minerai. Or, une visite des autorités sur le site en question a révélé qu’il n’y existait aucune activité d’extraction d’or. Pour le Ministère public péruvien, il est fort probable que l’origine de cet or et de celui des autres « fournisseurs à haut risque » soit illégale ;
- selon le Ministère public péruvien, Minerales del Sur pouvait compter simultanément jusqu’à 900 fournisseurs ;
- selon le Ministère public péruvien, l’entreprise publique Activos Mineros, qui délivre la licence d’exploitation à Minerales del Sur et sur laquelle la raffinerie suisse Metalor s’est toujours appuyée, avait elle aussi signalé aux autorités douanières des irrégularités concernant l’activité de Minerales del Sur ;
- toujours selon le Ministère public péruvien, Minerales del Sur possède des sites d’approvisionnement en or dans les régions de La Rinconada et Ananea, polluées par le mercure, ainsi que dans la région très controversée de Madre de Dios.
Minerales del Sur était jusqu’ à la saisie le troisième exportateur d’or du Pérou. Selon le Ministère public péruvien, la raffinerie suisse Metalor était l’unique importateur d’or de Minerales del Sur entre 2001 et 2018, période durant laquelle ses importations d’or se sont élevées à plus de 100 tons pour une valeur d’environ 3,5 milliards de dollars.
L’émission télévisée « Rundschau » diffusée mercredi 13 mars 2019 s’est penchée sur la question de Minerales del Sur. La raffinerie suisse Metalor y expose également son point de vue. Selon la Rundschau, Metalor confirme avoir obtenu de l’or de la controversée mine « La Rinconada » au Pérou. Dans l’émission, Metalor est cité comme suit : «Metalor hat ausschliesslich Gold von registrierten und legal schürfenden Minen bezogen.» Selon ses propres informations, Metalor n’a pas obtenu d’or de sociétés de négoce d’or au Pérou depuis la saisie, selon la Rundschau. Selon l’émission, Metalor a déclaré qu’elle aurait cessé ses relations commerciales plus tôt s’il y avait eu des signes de divergences. Metalor est citée comme suit dans la Rundschau : «Wir sind sicher, dass Minersur keine kriminelle Organisation ist. Und wir sind überzeugt, dass die Firma kein illegales Gold gewaschen hat.»
La société Minerales del Sur (Minersur) prend également position dans la Rundschau. Une avocate de la société a remis en question les enquêtes des autorités péruviennes. Quintano Méndez de Minerales del Sur a dit à la Rundschau: „Wir sind schon seit zwanzig Jahren im Geschäft und haben die Gesetze immer eingehalten.“
Extraction de matières premières, environnement et droits humains
La Suisse est un pays pauvre en matières premières et pourtant, chaque année, on y raffine près de 70 % de l’or négocié dans le monde. La Suisse abrite quatre des plus importantes raffineries au monde et dispose de grands acheteurs d’or dans les secteurs de la bijouterie, de l’horlogerie et des banques. La Suisse porte donc une responsabilité dans la lutte contre l’or produit aux dépens de l’environnement et des droits humains.
Depuis de nombreuses années, la SPM observe les différentes répercussions de l’extraction globale de matières premières et attire l’attention sur les violations des droits humains et sur la destruction de l’environnement provoquées par cette exploitation. Avec sa campagne « No dirty Gold! », la SPM s’engage pour que le commerce (suisse) de l’or devienne un commerce propre. La SPM entend par « or propre », le recours à des méthodes d’extraction et de négoce légales de l’or sans porter atteinte aux droits humains ou à l’environnement. La population locale concernée est consultée et exprime son accord pour l’extraction de l’or. Des commissions de contrôle externes surveillent que toutes les entreprises présentes le long de la chaîne de livraison respectent ces principes. Les entreprises qui ne se plient pas à ces exigences encourent des sanctions.
La campagne s’intéresse particulièrement au Pérou. Les régions de Puno et Madre de Dios sont régulièrement le théâtre de violations des droits humains. L’extraction de l’or entraîne la destruction de la forêt tropicale et par là-même de l’habitat de la population locale, majoritairement autochtone. La SPM a aussi analysé la situation des droits humains à Cajamarca, dans le nord du pays, où la société minière Minera Yanacocha S.R.L. est implantée et viole les droits de la population locale.
Les Emirats arabes unis font aussi l’objet d’une attention particulière dans le cadre de la campagne actuelle. Le manque de contrôles de l’origine de l’or de la part des Emirats arabes unis fait de cette région l’une des principales destinations de l’or issu de zones de conflit ou d’activités illicites, entre autres en provenance du Soudan, de la République démocratique du Congo et du Libéria. Cet or à risques est ensuite commercialisé par les Emirats dans le monde entier, y compris en Suisse.
Dans un rapport publié en mars 2018, la SPM établit que la Suisse a importé de l’or à risques en provenance du Pérou et des Emirats arabes unis. Il est hautement probable que les importations perdurent à ce jour. Greenpeace Suisse a soutenu les recherches nécessaires à la rédaction de ce rapport.
Comme l’histoire l’a déjà montré, les initiatives volontaires et les directives industrielles ne suffisent pas à empêcher le commerce de l’or sale. C’est pourquoi la SPM reproche à certaines raffineries et certains négociants d’or suisses de ne pas faire suffisamment preuve de diligence. Nous demandons tant de la part des responsables politiques suisses que de la part des acteurs de la branche plus de transparence dans le commerce de l’or ainsi qu’un devoir de diligence ancré dans la loi. Il faut engager la responsabilité des entreprises qui violent les droits humains ou détruisent l’environnement, elles doivent s’attendre à des répercussions en cas de non-respect. L’initiative pour des multinationales responsables conforme aux principes directeurs de l’ONU relatifs à l’économie et aux droits humains (UNGP) représente un pas dans la bonne direction.
Région de Madre de Dios (Pérou)

En 2015 déjà, la SPM a démontré que l’or extrait de manière illégale et clandestine dans les petites exploitations au Pérou était commercialisé en Suisse. Les derniers résultats publiés en mars 2018 par la SPM sugéraient que la raffinerie Metalor, basée à Neuchâtel, continuait d’acquérir de l’or du Pérou qui était produit dans des conditions qui détruisent l’environnement et qui violent les droits humains.Ce n’est qu’en juillet 2018 que Metalor a vu la nécessité de changer ses pratiques commerciales.
Lire la réponse de Metalor (mars 2018)
Le Pérou est le plus grand producteur d’or d’Amérique latine et se classe actuellement en sixième position au niveau mondial. L’extraction est principalement d’origine industrielle dans le nord, pendant que les petites exploitations fleurissent dans les régions du sud-est de la forêt amazonienne. Avec ces méthodes, d’énormes quantités de mercure sont relâchées ainsi que d’autres substances toxiques qui endommagent, voire qui détruisent, la forêt tropicale et l’écosystème. Les régions touchées par cette fièvre de l’or se sont transformées en un eldorado totalement hors-la-loi, où problèmes sociaux, violence, criminalité et misère sont monnaie courante.
Les régions de Puno et Madre de Dios constituent les deux principaux sites d’extraction d’or où ont lieu les déprédations sur l’environnement et les violations des droits humains. En 2011, le Ministère de l’environnement péruvien a publié une étude sur les conséquences de l’orpaillage à Madre de Dios. Cette dernière a conclu que la quasi-totalité de la production aurifère de la région était illégale. La fièvre de l’or a non seulement attiré des orpailleurs appauvris cherchant à s’assurer des conditions de vie décentes, mais aussi des sociétés sans scrupules qui, avec de grands moyens souvent criminels, se sont emparées du commerce de l’or illégal. Comme l’a montré la SPM en 2015, l’or extrait et commercialisé dans ces conditions est fourni à des clients dans le monde entier.
Lien avec la Suisse
Dans son rapport de 2015, la SPM a démontré que l’or, extrait dans les petites exploitations au Pérou de manière illégale et clandestine, était notamment acheminé en Suisse. En janvier 2014, les autorités douanières péruviennes ont ainsi saisi, entre autres, de l’or destiné à la raffinerie suisse Metalor.
Les derniers résultats publiés dans le rapport de la SPM en mars 2018 montraient que la raffinerie Metalor, basée à Neuchâtel, continuait très probablement d’acquérir de l’or du Pérou qui était produit dans des conditions d’extraction et de commerce illégales, en plus de se soustraire aux impôts et de détruire l’environnement. La société d’exportation Minerales del Sur, qui fournissait cet or à Metalor, livrait exclusivement à la raffinerie suisse et était son fournisseur principal d’or du Pérou.
Selon les médias péruviens La República et Ojo Público, les autorités douanières et fiscales péruviennes ont saisi près de 100 kilos d’or d’origine suspecte, quelques jours seulement après la publication du rapport. Il s’agissait de la plus grande saisie d’or réalisée depuis que les autorités ont renforcé leurs actions contre l’orpaillage illégal fin 2013. Après la saisie des 100 kilos d’or au Pérou, Metalor avait d’abord laissé entendre qu’elle ne changerait rien à sa politique d’achat au Pérou. Fin juillet 2018, l’entreprise écrivait sur son site Internet: « In light of the overall situation and till further notice, Metalor has decided on a precautionary basis since March 2018 to put on hold any business relationship with collectors/aggregators in Peru. »
Plus d’informations sur l’or confisqué : au tout début de cette page de campagne sous « Suspicion du Ministère public péruvien ».
La Direction nationale de l’administration fiscale (SUNAT) et le ministère public péruvien avaient demandé, en 2000 déjà, l’ouverture d’une enquête à l’encontre de Minerales del Sur et de son propriétaire principal Francisco Quispe Mamani, pour suspicion de fraude fiscale et de commerce d’or illégal.La SPM a découvert que Francisco Quispe Mamani a changé ses deux noms de famille peu de temps après le début de l’enquête susmentionnée. Il se fait dorénavant appeler « Quintano Méndez ». Les recherches ont également démontré que Francisco Quintano Méndez possède aujourd’hui quatre concessions à Huepetuhue, un célèbre site d’extraction illégale à Madre de Dios. Trois de ces concessions ne respectent pas les exigences nationales en matière de protection de l’environnement. L’une d’entre elles empiète même sur la zone tampon des terres protégées et réservées aux autochtones.
Officiellement, la société d’exportation Minerales del Sur est autorisée à acheter et à revendre de l’or uniquement dans la région de Puno. Mais l’enquête a montré que la société possède une filiale à Madre de Dios, en plus de ses filiales à Puno. Depuis 2014, elle exporte plus d’or en Suisse que ce que produisent officiellement toutes les exploitations dans la province de Puno. La conclusion s’impose d’elle-même : l’excédent affiché pourrait correspondre à des quantités d’or achetées ou exploitées dans la région de Madre de Dios par Minerales del Sur.
Metalor prétendait que la différence s’expliquait par l’absence d’obligation de déclaration pour les mineurs clandestins en cours de processus de formalisation.
Communes autochtones et extraction aurifère à Madre de Dios
Depuis 2015, la SPM se rend régulièrement dans la région de Madre de Dios où vivent de nombreux peuples autochtones. Au cours de ses visites dans les communes concernées, la SPM a constaté à quel point la situation des droits humains était désastreuse : manque d’eau propre, d’infrastructures sanitaires, de nourriture.
La prolifération de l’extraction aurifère dans la région engendre aussi d’autres violations des droits humains : les communautés autochtones sont d’une part confrontées à des agressions, à l’accaparement de leurs terres, à des conditions d’exploitation imprécises et à des problèmes de santé à cause de l’importante pollution des rivières provoquée par l’extraction aurifère. On constate d’autre part des conflits massifs au sein des communautés : entre des personnes qui tentent de survivre en tant qu’orpailleurs et celles qui se battent contre la destruction croissante de l’environnement provoquée par ces activités.
Région de Cajamarca (Pérou)
Depuis 2012, la SPM s’intéresse de près à la situation des droits humains dans la région de Cajamarca, au nord du Pérou, où la société Minera Yanacocha S.R.L exploite la plus grande mine d’or d’Amérique du Sud. En 2016, la SPM a publié un rapport sur Yanacocha concernant le respect des droits humains.
Emirats arabes unis

Le rapport de la SPM publié en mars 2018 met aussi l’accent sur l’augmentation des importations d’or en Suisse provenant des Emirats arabes unis. Ce pays n’extrait pas d’or lui-même, mais commercialise environ 20-25 % de l’or mondial.
La SPM a enquêté sur les importations d’or venant de pays producteurs comme le Soudan, la République démocratique du Congo (RDC) et le Libéria. Elle a découvert que certaines sociétés à Dubaï servaient, et servent très probablement encore aujourd’hui, de zones de transit pour de l’or illégal et issu de zones de conflits.
Le conflit armé qui a éclaté au Soudan en 2003 a fait des centaines de milliers de victimes. De plus, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées. Ce conflit est nourri par l’activité aurifère : la majeure partie des mines d’or est sous contrôle de groupes armés dont les gains annuels sont estimés à 54 millions de dollars. Le rapport de la SPM démontre que Kaloti, la plus grande raffinerie d’or de Dubaï, a importé plus de 50 tonnes d’or du Soudan rien que pour l’année 2012. Ceci représente près de 4 tonnes de plus que la production officielle du Soudan.
Selon la base de données de l’ONU Comtrade, les Emirats arabes unis ont importé, en 2015 également, 94 % de l’or exporté du Soudan. Selon l’ONU, le trafic d’or illicite du Soudan ne perd pas de vitesse en 2017.
Kaloti a acquis en 2012 de l’or du Libéria, un des pays les plus pauvres d’Afrique. Selon les données officielles, ces acquisitions dépassent de plusieurs centaines de kilos la quantité officiellement produite dans le pays. On peut partir du principe que cette différence aurait contribué de manière significative à l’économie du Libéria et aurait ainsi engendré des revenus fortement nécessités par son gouvernement.
La SPM dispose également d’informations attestant d’importations d’or organisées par des marchands d’or de Dubaï entre 2012 et 2014, provenant de régions en proie à des guerres civiles en République démocratique du Congo (RDC). L’ONU suspecte que l’or produit dans ces zones de conflit de la RDC est importé par Dubaï.
Lien avec la Suisse
Le manque de contrôles de l’origine de l’or de la part des Emirats arabes unis fait de cette région l’une des principales destinations de l’or issu de zones de conflit ou d’activités illicites. Le minerai est ensuite envoyé dans le monde entier, y compris vers la Suisse. La Suisse compte parmi les principaux acheteurs d’or en provenance des Emirats arabes unis. En 2016, la Suisse a importé plus de 370 tonnes d’or, des quantités encore jamais égalées : d’après la Statistique suisse du commerce extérieur, la majorité de l’or importé par la Suisse cette année-là provenait des Emirats arabes unis. Alors que les raffineries et les banques ont répondu différemment à nos questions, Kaloti a laissé transparaitre qu’elle entretenait des relations commerciales avec des partenaires installés en Suisse. Comment les acheteurs suisses peuvent-ils garantir la provenance et les conditions d’extraction du précieux minerai ?
Rôle de la Suisse
La Suisse joue un rôle central dans le commerce de l’or comme dans sa transformation. Près de 70 % de l’or mondial négocié est raffiné en Suisse. La SPM cherche le dialogue avec des représentant-e-s de l’économie et de la politique.
La Suisse fait partie des principaux acheteurs d’or provenant du Pérou et des Emirats arabes unis : les quatre raffineries suisses Metalor Group SA à Neuchâtel, Valcambi SA à Balerna, PAMP SA à Castel San Pietro et Argor Heraeus SA à Mendrisio comptent parmi les plus grandes raffineries du monde. Depuis de nombreuses années, près de 70 % de l’or négocié dans le monde est raffinée en Suisse.
Les probabilités pour que l’or raffiné en Suisse provienne de régions où l’exploitation du précieux minerai fait des ravages sur l’environnement et où les droits humains sont bafoués, sont élevées. La SPM s’engage pour que des comptes soient rendus sur les violations des droits humains présumées dans le cadre de l’extraction aurifère dans le monde et que les responsables soient poursuivis en justice. Conformément aux Principes directeurs des Nations Unies, les raffineries suisses doivent garantir une production de l’or écologique et socialement responsable. Du point de vue de la SPM, il est ainsi indispensable d’obtenir l’accord de la population locale avant de réaliser tout projet d’extraction de matières premières et de construction d’infrastructure pour l’extraction aurifère.
Pour atteindre ces objectifs, il faut soit que les entreprises suisses renoncent entièrement à importer de l’or dont l’origine ne peut clairement être établie soit qu’elles mettent en place des mécanismes de diligence approfondis. Il faut mettre un terme à toutes relations commerciales jugées problématiques à l’issue de ces contrôles. La SPM engage également la responsabilité des autorités politiques et du gouvernement suisses. La situation actuelle le montre clairement : les mécanismes volontaires ne suffisent pas pour empêcher ni les violations des droits humains ni la destruction de l’environnement. Il faut instaurer des mécanismes de diligence juridiquement contraignants et le commerce de l’or en Suisse doit être parfaitement transparent. C’est pourquoi l’initiative suisse pour des multinationales responsables est indispensable. Elle inflige des sanctions en cas de non-respect, impose un régime de responsabilité international et s’oriente à des standards internationaux préexistants.
Banques et industrie de la bijouterie et de l’horlogerie
La raffinerie de l’or n’est pas le seul domaine dans lequel la Suisse occupe une place centrale. L’industrie horlogère, dans laquelle de nombreuses entreprises suisses sont largement présentes, compte parmi les acheteurs d’or les plus importants. Dans le monde, l’industrie de la bijouterie et de l’horlogerie utilise plus de la moitié de l’or raffiné chaque année.
Et les grandes banques suisses sont également bien présentes sur le marché global de l’or. En Suisse, le commerce de l’or reste un secret bien gardé. Peu de gens connaissent le chemin exact par lequel transite la précieuse matière première en Suisse pour atterrir dans les raffineries, dans l’industrie de la bijouterie et de l’horlogerie et dans les banques.
Guide OCDE sur le devoir de diligence
L’OCDE a établi un guide sur le respect du devoir de diligence pour les chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à hauts risques. Elle y a apporté des compléments spécifiques concernant le commerce de l’or. Ces principes directeurs imposent l’exercice d’un devoir de diligence approfondi en cinq étapes aux raffineries, et insistent sur la détermination de l’origine de l’or : « L’évaluation du risque dans la chaîne d’approvisionnement débute avec l’origine de l’or utilisé. » De plus, les raffineries doivent effectuer des audits soigneux, réalisés par des tiers indépendants afin de pouvoir rendre compte au grand public des processus de diligence des raffineries ainsi que de leur respect des normes fixées.
Revendications
Sur la base de ses conclusions, la SPM a dressé la liste suivante de revendications adressées aux raffineries suisses, aux responsables politiques et au gouvernement suisse, aux instances de régulation ainsi qu’à l’OCDE.
Revendications adressées aux raffineries d’or et aux négociants d’or
- Exercice du devoir de diligence : contrôle très précis de la diligence de tous les clients/fournisseurs conformément au Guide OCDE sur le devoir de diligence pour les chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque, accompagné d’audits effectués par des organes de révision indépendants, fiables et spécialisés.
- Transparence : publication annuelle des résultats de la gestion des risques, des noms des producteurs et de l’origine de l’or.
- Relations commerciales : arrêt immédiat de toute relation commerciale jugée problématique par les mécanismes de diligence ou mise en place de conditions claires permettant de résoudre les problèmes constatés.
Revendications adressées aux responsables politiques et au gouvernement suisse
- Plus grande transparence : ventilation des données fournies par la statistique du commerce extérieur Suisse sur l’or selon le pays de provenance (et pas uniquement selon le pays d’origine). Publication des fournisseurs et des sociétés bénéficiaires ainsi que leurs volumes bruts et nets.
- Surveillance nationale : mise en place d’un service central national pour la surveillance des flux commerciaux de l’or et pour l’attribution de licences aux raffineries et commerçants suisses d’or disposant d’un mécanismes de diligence transparent, systématique et approfondi et respectant les principes directeurs de l’OCDE.
- Obligation juridique : introduction d’un devoir de diligence fixé par la loi et de sanctions appropriées en cas de non-respect comme le prévoit l’initiative pour des multinationales responsables (voir ci-après).
Revendications adressées à l’Association de l’industrie suisse des métaux précieux (ASFCMP)
- Engagement et prise de position publique : reconnaissance des principes directeurs de l’OCDE et prise de position publique pour faire adhérer les différents membres de l’association à ces principes.
Initiative pour des multinationales responsables
Partout où les droits humains et l’environnement sont menacés à cause des activités économiques à l’étranger, les multinationales dont le siège se trouve en Suisse ont aussi des obligations. C’est pourquoi la SPM soutient l’Initiative pour des multinationales responsables. Elle veut contraindre les entreprises suisses d’intégrer la protection des droits humains et de l’environnement dans leurs pratiques commerciales. Si une entreprise contribue à des violations des droits de l’homme ou à des dommages environnementaux massifs, elle est responsable des dommages.
Le texte impose aux grands groupes suisses d’introduire dans leurs relations commerciales un contrôle de diligence relatif au respect des droits humains et de la protection de l’environnement. Plus précisément, les sociétés suisses devraient, à l’avenir, analyser les risques d’atteintes aux droits humains et à l’environnement liées à leurs activités, prendre des mesures pour y remédier et en rendre compte publiquement. En cas de non-respect de son obligation de contrôle de diligence, la société concernée sera tenue responsable des dommages que ses filiales auront pu causer à l’étranger.
Les peuples autochtones sont particulièrement touchés par des violations des droits humains de la part des multinationales. Bien que le droit de participation aux décisions de ces peuples soit ancré dans le principe de « consentement libre, préalable et éclairé » (CLPE), la réalité est bien différente. Les autochtones ont le droit d’exprimer leur consentement ou leur désapprobation à un projet, et de dire comment celui-ci devrait être réalisé. La violation de ce droit est souvent source de conflits sanglants. L’initiative pour des multinationales responsables est un pas important dans la résolution de ces conflits.
Rapports et communiqué de presse
La SPM a publié fin mars 2018 son rapport sur l’or, intitulé « La Suisse, plateforme de l’or à risques ? ».