15. novembre 2023

Communiqué de presse

Occasion unique manquée pour le Tribunal fédéral d’instaurer la transparence dans le commerce aurifère

C’est avec une immense déception que la Société pour les peuples menacés (SPM) prend acte de la décision du Tribunal fédéral de se ranger du côté du Tribunal administratif fédéral et par là même des quatre grandes raffineries d’or, en rejetant la demande de la SPM de divulguer l’identité des fournisseurs des raffineries et en protégeant ainsi le secret commercial des raffineries suisses. Garantir la transparence, de la production jusqu’aux consommateurs·rices, serait essentiel pour en finir avec ce commerce sale.

« C’est avec une immense déception que nous prenons acte de la décision du Tribunal fédéral de statuer contre la transparence dans le commerce de l’or », déclare Christoph Wiedmer, co-directeur de la Société pour les peuples menacés (SPM). Et d’ajouter: « Instaurer la transparence dans le secteur aurifère serait pourtant essentiel pour garantir un commerce propre et juste. »

Le Tribunal fédéral fonde sa décision sur l’argument principal avancé par les raffineries selon lequel les relations commerciales sont couvertes par le secret fiscal. Or, les nombreux scandales de ces dernières années prouvent que les mesures de contrôles existantes sont totalement insuffisantes. Cela s’est manifesté le plus récemment, en septembre 2023, lorsque des rapports de presse ont rendu publiques les critiques des autorités à l’égard des activités de la raffinerie d’or tessinoise Valcambi SA.

Le Parlement appelé à réagir en faveur de mesures législatives

Garantir la transparence, de la production jusqu’aux consommateurs·rices, est essentiel pour en finir avec les affaires sales – pas seulement dans le commerce aurifère. « Sur la question de la transparence dans le commerce des matières premières, il est par conséquent urgent d’opérer un changement de paradigme, conformément à la loi sur la transparence », explique Christoph Wiedmer. La SPM demande aujourd’hui et plus que jamais aux responsables politiques une loi globale pour des multinationales responsables, comme celle élaborée actuellement par l’UE. Par ailleurs, il faut créer une autorité de surveillance dotée de compétences élargies et de moyens suffisants afin de contrôler les entreprises. Le Parlement doit également intervenir en faveur d’une transparence de l’économie qui sous-entende que l’activité économique relève par principe du domaine public et que seules sont possibles les exceptions dûment fondées. Or les relations commerciales ne constituent clairement pas des exceptions. La SPM demande aux raffineries d’exercer consciencieusement leur devoir de diligence et de communiquer, sous leur propre responsabilité, l’identité de leurs fournisseurs afin de gagner la confiance du grand public.

Une procédure de plusieurs années

Depuis bientôt dix ans déjà, la SPM tente d’instaurer plus de transparence dans le commerce de l’or en Suisse. En raison du secret absolu qui règne au sein de la branche, la SPM a entamé en 2018 une procédure administrative auprès des autorités douanières afin de pouvoir consulter les dossiers des fournisseurs d’or des plus grandes raffineries suisses. Cette demande faisait suite au rapport de la SPM « La Suisse, plateforme de l’or à risques ? » publié en avril 2018. Ce dernier montrait comment de l’or à risques arrivait jusqu’en Suisse.

Initialement, les autorités douanières avaient rejeté la demande de la SPM qui avait alors demandé au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) une procédure de conciliation avec l’Administration fédérale des douanes. Le PFPDT avait recommandé de satisfaire à la demande de la SPM. L’Administration fédérale des douanes avait suivi cette recommandation et autorisé la publication des données.

Mais par la suite, les raffineries avaient fait appel auprès du Tribunal administratif fédéral contre cette décision. En mars 2022, le Tribunal administratif fédéral avait finalement statué en faveur des raffineries d’or en décidant que l’origine de l’or importé en Suisse et l’identité de leurs fournisseurs relevaient du secret fiscal. Des frais de procédure avaient été mis à charge de la SPM (à hauteur de CHF 1000.–) et de l’Administration fédérale des douanes (à hauteur de CHF 8000.–) à titre d’indemnisation pour les raffineries.

La SPM avait alors déposé un recours contre cette décision auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci s’est aujourd’hui soldé par un échec. Une issue positive aurait permis de véritablement modifier les pratiques du secteur aurifère en Suisse et d’envoyer un signal fort à destination du reste du monde : près de 70 % de l’or mondial est négocié ou raffiné en Suisse. Il est donc essentiel « d’assurer une transparence détaillée dans l’importation d’or, d’autant plus que la Suisse est une puissance mondiale dans le domaine du raffinage et que la surveillance de la branche est tout à fait insuffisante », déclare Mark Pieth, expert en droit pénal.

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