Maria Leusa Mundurukú est présidente de l’association des femmes autochtones de sa communauté et s’engage pour la protection de leurs territoires en Amazonie brésilienne. Début mai, elle s’est rendue en Suisse avec une délégation pour attirer l’attention sur la responsabilité du pays dans l’extraction d’or.
Interview : Hannah Göldi / Photo : Danielle Liniger
Maria Leusa, le 6 mai 2021, une attaque a été commise dans votre village natal. Des orpailleurs·euses illégaux·ales ont incendié votre maison et vous avez dû fuir. A quoi ressemble votre vie aujourd’hui ?
Elle est actuellement très compliquée. Etant publiquement engagée, notamment en tant que présidente de l’association des femmes de la communauté des Mundurukú, je suis un symbole de résistance pour les orpailleurs·euses et nous les dérangeons. Jusqu’à maintenant, ma famille et moi n’avons pas pu retourner dans notre village d’origine. Nous vivons actuellement dans la ville voisine où nous sommes davantage en sécurité. Mais on ne peut s’empêcher d’avoir peur dans la rue.
Quel est actuellement le défi majeur auquel vous êtes confrontée dans votre quotidien ?
Il nous faut constamment faire barrage aux entreprises qui veulent utiliser nos terres pour leur propre compte. En tant que communauté, nous devons résister à une forte pression et continuer de nous battre pour notre terre. En outre, on nous sous-estime en permanence, en tant que femmes. Avant, j’étais la seule militante. Aujourd’hui, notre association compte plus de 200 femmes. L’union fait la force et on ne peut plus nous ignorer.
Pour quoi luttez-vous en tant que militante et comment ?
Mon action est multiple. Je participe à des rassemblements contre des projets d’infrastructure et je m’occupe de la partie bureaucratique des dépôts de plaintes, p. ex. contre la destruction de l’environnement. Au sein de notre organisation, nous planifions aussi des assemblées dans lesquelles nous discutons des prochaines étapes avec les chef·fe·s de village. Enfin, notre mission est de soutenir nos femmes dans l’agriculture. Nous voulons montrer à notre communauté que nous n’avons pas à justifier le droit à disposer de notre territoire : nous sommes capables de subvenir à nos besoins et n’avons pas besoin de « l’aide » des Blanc·he·s.
Comment les autorités publiques vous aident-elles ?
Nous ne recevons aucune aide directe des autorités et n’en voulons pas. Même lorsque nos maisons ont été attaquées, elles nous ont laissé seul·e·s. Nous ne pouvons pas non plus espérer d’aide de la part des politicien·ne·s sur place car elles·ils soutiennent le projet de loi « PL 191 » qui vise à permettre l’exploitation minière des territoires autochtones. Cette loi signerait l’arrêt de mort de notre peuple. Nous ne pouvons compter que sur notre propre mouvement de résistance.
Début mai, vous vous rendrez en Suisse pour faire entendrevos revendications. Pourquoi venir ici et qu’attendez-vous de cette visite ?
Nous voulons dénoncer ces personnes et ces entreprises qui portent une part de responsabilité dans nos souffrances. L’année dernière, il n’y a eu personne pour porter notre voix à l’extérieur. Ma visite vise à changer cela. Néanmoins, nous ne voulons pas seulement dénoncer mais aussi montrer les réussites sur lesquelles notre communauté autochtone peut s’appuyer. Nous voulons parler pour nous-mêmes.
L’interview a été réalisée mi-avril par vidéoconférence.
Voyage au coeur du marché aurifère suisse
Pour les communautés autochtones de l’Amazonie brésilienne, le boom de l’or actuel se traduit par la destruction de leur espace de vie, l’empoisonnent des rivières, l’apparition de nouvelles maladies et la violence. La Suisse aussi porte une part de responsabilité dans le secteur de l’or car une grande partie de l’or mondial y est négocié et raffiné. Au début du mois de mai, Maria Leusa Mundurukú s’est rendue en Suisse pour sensibiliser le grand public au problème et s’entretenir avec des responsables du secteur aurifère.