Exemple concret

Tournant de la mobilité: oui, mais pas au détriment des droits humains !

Peu connu, mais vrai : la production de voitures électriques entraîne souvent des violations des droits humains.

Action Salon d'Auto 28.02.24 Photo SPM Action Salon d'Auto 28.02.24 Photo SPM

Les voitures électriques sont l’étendard des technologies propres du futur. Ce que l’on sait moins c’est que leur fabrication nécessite des matières premières dont l’extraction est bien souvent synonyme de violations des droits humains et de pollution environnementale. S’ajoute à cela que les chaînes d’approvisionnement des voitures électriques passent par le territoire occupé du Tibet ; et le traitement du lithium a des liens avec des entreprises avec travail forcé des Ouïghour·e·s. La SPM s’engage pour une transition de mobilité juste, dans le respect des droits humains tout au long des chaînes d’approvisionnement.

Avec son slogan « Auto Future Now », le salon de l’automobile de 2024 à Genève fait l’apologie des voitures électriques comme symbole d’une technologie du futur sans danger. La gestion de la crise climatique est urgente et les voitures électriques présentent une efficacité énergétique quatre fois plus élevée que les véhicules thermiques comparables. Mais elles ne sont pas sans comporter des risques nouveaux, comme le montrent notre vidéo et les exemples sur ce site web:

Minerais de transition pour les batteries électriques

Les batteries des voitures électriques nécessitent des minéraux tels que le graphite, le nickel, le cuivre, le lithium, le cobalt et le manganèse, sachant que la composition varie selon le produit.

La demande mondiale en batteries a augmenté en 2022 de 65 % par rapport à l’année précédente pour atteindre une capacité totale de 550 gigawattheures (GWh) par an. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) table sur un décuplement de la demande d’ici 2030. Le besoin en matières premières correspondantes va donc augmenter en conséquence. Pendant que notamment la Chine, les pays européens et les USA procèdent à l’électrification du transport individuel, l’extraction croissante des matières premières touche principalement les territoires autochtones.

Faute de transparence dans les chaînes d’approvisionnement, il est quasiment impossible de dire aujourd’hui de quelle mine proviennent les minerais utilisés par les marques automobiles.

Lorsque les voitures électriques bafouent les droits humains

La course internationale aux minerais de transition a accéléré dans de nombreux endroits la procédure d’autorisation pour les nouvelles mines. Ce rythme effréné comporte de grands risques écologiques mais aussi sociaux, étant donné que les conséquences potentiellement néfastes sur l’être humain et sur l’environnement ne sont que trop peu analysées.

Ainsi, la forte consommation d’eau que nécessite l’extraction de lithium et de cuivre peut entraîner une augmentation de la pénurie en eau dans les régions concernées. Le cobalt, le nickel et le manganèse comportent quant à eux un risque élevé de pollution de l’eau par les métaux lourds et d’empoisonnement pour les êtres humains et les animaux.

Les communautés autochtones se voient tout particulièrement confrontées à une nouvelle vague d’extraction des matières premières. Une étude de 2023 montre que plus de la moitié des projets d’exploitation des minerais de transition se trouve sur des territoires autochtones ou à proximité de tels territoires.

L’implication des communautés autochtones est insuffisamment respectée en raison du manque de temps. L’ONU a pourtant prescrit le droit pour les communautés autochtones au consentement libre, préalable et éclairé (CLPE) pour les projets qui concernent leur territoire et leur mode de vie. Ce droit est cependant régulièrement bafoué.

Les personnes vivant sur les territoires autochtones ne sont pas les seules à être concernées par cette course aux minerais de transition : le gouvernement de la République populaire de Chine aspire à devenir leader dans la production des voitures électriques et héberge chez elle deux  « poids-lourds » dans ce domaine : le fabricant de batteries « CATL » et le fabricant automobile « Build your dream ».  Ceci est préoccupant à double titre : d’une part, les plus grandes réserves de lithium de Chine se trouvent sous le haut plateau tibétain. Un rapport de 2023 montre la pression croissante quant à l’extraction de ces matières premières et l’absence d’implication de la population tibétaine. D’autre part, la transformation du lithium montre des liens avec le travail forcé des Ouïghour·e·s dans la région du Turkestan oriental (province chinoise du Xinjiang) où le Parti communiste chinois mène une politique de répression brutale.

Les communautés autochtones sensibilisent le grand public aux conséquences de la mine de lithium de Peehee Mu’huh sur leur lieu de sépulture ancestral, leurs ressources en eau et la faune.Photo : Chanda Callao/@Peopleof- redmountain

Les communautés autochtones sensibilisent le grand public aux conséquences de la mine de lithium de Peehee Mu’huh sur leur lieu de sépulture ancestral, leurs ressources en eau et la faune. Photo : Chanda Callao/@Peopleofredmountain

"C'est la terre des Samis !" Andrei Danilov de l'organisation autochtone en exil ICIPR.

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Rizwana Ilham, présidente de l'Association ouïghoure en Suisse : "Pas de produits issus du travail forcé !"

Norilsk Nickel : la production de nickel en Russie empoisonne l’air, les sols et l’eau

En Russie, le groupe d’exploitation de matières premières Norilsk Nickel exploite des minerais sur des terres autochtones. Parmi ces minerais, certains sont utilisés pour la transition énergétique. Les conséquences pour l’environnement et pour les communautés autochtones sont désastreuses : l’exploitation des fonderies pollue l’air et engendre des pluies acides qui menacent le fragile écosystème de la toundra et ainsi le mode de vie traditionnel des communautés autochtones. Le groupe n’a cessé de faire les gros titres avec ses catastrophes écologiques : ainsi en 2020, environ 21 000 tonnes de gazole se sont répandues dans les eaux environnantes, engendrant des conséquences désastreuses pour les communautés autochtones, pour qui la pêche constitue une des sources de revenus les plus importantes.

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Peehee Mu’huh : l’extraction du lithium aux USA détruit des lieux saints

Aux Etats-Unis, une mine de lithium voit le jour sur le territoire autochtone sans l’accord des Païutes et des Shoshones, entre autres pour les voitures électriques. La construction de la mine sur le territoire Peehee Mu’huh (Thacker Pass), dans l’Etat nord-américain du Nevada, a commencé en mars 2023. Mais les communautés autochtones s’y opposent, car la mine saccage non seulement leurs terres mais aussi leur culture. Peehee Mu’huh fut le théâtre d’un abominable massacre de Païutes par la cavalerie américaine en 1865. Il est un lieu de sépulture inviolable d’une haute importance culturelle et religieuse. La mine porte atteinte à toute la signification du lieu. Et elle perpétue des problèmes datant de plusieurs siècles, cette fois-ci au nom de la transition verte : « Si nous ne faisons rien contre l’exploitation du gisement, nous perdrons non seulement nos ressources et minerais mais aussi notre histoire, qui disparaîtra alors à tout jamais », écrit Gary McKinney, membre païute et shoshone.

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Liens avec le travail forcé des Ouïghour·e·s

Dans le cadre de son 14e plan quinquennal (2020-2025), le gouvernement chinois encourage la production des batteries automobiles électriques dans la région du Turkestan oriental (province chinoise du Xinjiang). Cette stratégie économique fait partie d’une plus large stratégie du Parti communiste chinois qui poursuit l’objectif d’assimiler dans la région les Ouïghour·e·s et autres communautés d’origine turque. Les systèmes de camps et diverses formes de travail forcé constituent des éléments essentiels de cette politique d’oppression.  Un rapport de l’université de Sheffield Hallam met en lumière les liens possibles entre les fournisseurs de batteries électriques et le travail forcé. Le groupe étatique Xinjiang Nonferrous’s Metal Industry Group joue notamment un rôle central : l’entreprise déplace des personnes des régions agricoles du Turkestan oriental pour les faire travailler comme main-d’œuvre dans ses usines. Elle œuvre via sa filiale dans la transformation du lithium ainsi que dans l’extraction de matière première et dans la transformation du manganèse. Le rapport montre des liens possibles vers le leader du marché pour les batteries lithium-ion en Chine : la société CATL fournit des marques de renommée internationale telles que Tesla, Volkswagen ou Mercedes.

Oppression des Ouïghour·e·s

Extraction de matières premières au Tibet

La Chine est le producteur le plus important de batteries électriques. Le fabricant automobile « Build your Dream » (BYD) est en outre l’un des plus gros producteurs de voitures électriques puisqu’il a vendu l’an passé presque autant de voitures que le leader sur le marché, Tesla. La fabrication des batteries nécessite notamment de grandes quantités de lithium. Pour que la République populaire de Chine puisse conforter sa position de leader en matière de mobilité électrique,des réserves de lithium dans son propre pays et devenir ainsi le plus possible indépendant du commerce international de lithium.

Environ 85 % du lithium en Chine se trouvent dans la roche du haut plateau tibétain. La découverte de ces réserves immenses a déclenché une course économique aux terres tibétaines : en mai 2023, des milliers d’offres d’investisseurs chinois pour acquérir des terres des domaines riches en lithium ont été enregistrées avec des montants dépassant 100 fois les prix habituels du marché.

L’ouverture du Tibet pour l’extraction du lithium est négociée au niveau national et les Tibétain·e·s n’ont guère de droit de parole sur ce qui se passe avec leurs terres. D’après les chercheurs·euses de Turquoise Roof, les territoires concernés sont constitués de nombreux pâturages destinés à l’élevage traditionnel des yacks et de sites religieux importants. Les Tibétain·ne·s qui manifestent leur inquiétude et protestent risquent la répression du gouvernement, l’emprisonnement, la violence voire même la mort.

L’extraction du lithium recèle d’innombrables dangers pour les êtres humains et l’environnement. D’après les chercheurs·euses de Turquoise Roof, elle modifierait considérablement l’écosystème de ces territoires et les substances dégagées mettraient en danger l’environnement. Par exemple, en 2016, dans la région du Sichuan, des substances toxiques ont été déversées à plusieurs reprises dans les rivières à la suite de fuites de la mine de lithium de Ganzizhou Rongda, ce qui a entraîné une pollution de l’écosystème et des maladies chez les animaux des agriculteurs·rices. Dans la course aux précieuses réserves, des méthodes d’extraction et de traitement rapides, bon marché et sales sont utilisées, polluant ainsi l’environnement local et mettant en danger la population.

Un classement montre que l’industrie automobile ne protège pas assez les droits humains

Le réseau international Lead The Charge, dans lequel agit la SPM, encourage les fabricants automobiles à profiter de la transition vers les véhicules électriques (VE) pour rendre leurs chaînes d’approvisionnement équitables, durables et 100 % exemptes de combustibles fossiles.

Le 27 février 2024, Lead The Charge a publié son deuxième classement. Ce dernier analyse les rapports accessibles au public de 18 des plus grands fabricants de voitures électriques et évalue les efforts faits en matière d’émissions, de pollution environnementale et de violations des droits humains dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Si le classement montre que plusieurs entreprises travaillent à garantir des chaînes d’approvisionnement propres et à protéger les droits humains, leurs efforts restent insuffisants : l’entreprise Ford, en tête de classement en matière de droits humains, atteint seulement 54%.

Les fabricants font notamment trop peu en matière de droits des autochtones : Plus que la moitié des fabricants automobiles ont atteint 0 % des points dans ce domaine  et le meilleur classé, Tesla, n’atteint quant à lui que 26%.

Il convient également de noter les très mauvais scores des fabricants chinois « Build Your Dream », « Chery », « GAC » et « Geely » : En raison de leur manque total de transparence, ils sont très loin à la traîne dans le classement.

Voir tableau

Les revendications de la SPM et de ses partenaires

Oui à une transition de mobilité juste, sans écoblanchiment !

Revendications aux marques automobiles et aux importateurs de véhicules suisses

  • Ancrage des droits des autochtones et le CLPE dans les directives internes
  • Aucune relation commerciale avec le Turkestan oriental
  • Pas d’approvisionnement en matières premières en provenance du Tibet

Revendications adressées à la politique suisse

  • Réduction des besoins en matières premières
  • Recyclage des matières premières des voitures électriques
  • Promotion des transports en commun et du vélo
  • Loi sur la responsabilité des multinationales en Suisse

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