05. juillet 2023
Actualité
Souvenirs des protestations à Urumqi et de la répression dans le Turkestan oriental
Il y a quatorze ans de cela commençaient les protestations de plusieurs jours à Urumqi, dans le Turkestan oriental. Les protestations et la répression qui a suivi de la part du régime chinois se sont caractérisées par une violence sans précédent, engendrant de nombreux décès et blessé·e·s. Dans les mois suivants, des milliers d’Ouïghour·e·s ont disparu. Depuis, la répression exercée contre les Ouïghour·e·s ne fait qu’amplifier.
Il y a quatorze ans, jour pour jour, des émeutes ethniques éclataient à Urumqi, la plus grande ville du Turkestan oriental (province chinoise du Xinjiang). Ces troubles faisaient suite à une confrontation mortelle ayant eu lieu quelques semaines auparavant, dans une usine de la très lointaine province du sud de la Chine, Guangdong. Des Chinois Hang avaient passé à tabac des travailleurs ouïghours après qu’un ancien employé aigri de l’usine avait fait courir le bruit sur les réseaux que des hommes ouïghours avaient violé à leur poste de travail deux femmes appartenant au groupe ethnique des Hans. Des images avaient alors été filmées : les hommes ont été poursuivis et battus à mort, au moins deux Ouïghours ont succombé sous les coups de leurs agresseurs, 118 individus ont été blessés.
La nouvelle de ces morts ouïghours est arrivée à Urumqi et a déclenché des manifestations pacifiques le 5 juillet. Mais elles ont très vite dégénéré avec de violents débordements. Les forces paramilitaires chinoises sont intervenues et ont tiré à balles réelles sur la foule des manifestant·e·s. Des Ouïghour·e·s s’en sont pris à des Hans et aux commerces détenus par des Chinois·e·s han. Les jours suivants, des foules de Chinois·e·s Han ont répliqué à coups de bâtons et de barres métalliques.
Selon les chiffres officiels du gouvernement chinois, 197 personnes, à grande majorité des Chinois·e·s Han, sont décédées dans le cadre des émeutes. 1600 blessé·e·s ont également été dénombré·e·s et 1000 personnes ont été arrêtées. Quelques mois plus tard, neuf personnes ont été exécutées suite à ces émeutes. Les groupes ouïghours et organisations de défense des droits humains estiment toutefois que le nombre de morts et de personnes blessées en lien avec les émeutes est considérablement plus élevé, et que les chiffres officiels masquent la violence exercée à l’encontre de la population ouïghoure. Au cours des semaines et mois après, des milliers d’Ouïghour·e·s ont disparu, pour la plupart des jeunes hommes d’une vingtaine d’années. Il est impossible d’effectuer des recherches indépendantes concernant les émeutes et la disparition d’individus dans les mois qui ont suivi. Le nombre exact des personnes tuées, arrêtées, détenues, exécutées et disparues dans le cadre des émeutes reste donc très incertain.
Escalade de la répression
Depuis l’été 2009, l’oppression subie par la communauté ouïghoure dans le Turkestan oriental ne cesse de croître. Bien avant déjà, le gouvernement chinois menait une campagne souvent très virulente à l’encontre de toutes les forces dissidentes ouïghoures. En 2016, l’administration centrale a placé à la tête de la région un nouveau secrétaire de parti, Chen Quanguo, qui avait déjà pu tester toutes ces méthodes répressives lorsqu’il était secrétaire de parti au Tibet. Le travail de police a été particulièrement renforcé.
Aujourd’hui, le Turkestan oriental connait une forte répression au quotidien, d’une ampleur difficilement imaginable. Il n’est presque plus possible d’avoir des nouvelles de la région. De rares informations sur la situation actuelle parviennent toutefois à percer : à ce jour, plus d’un million de personnes ont été emprisonnées dans des camps d’internement du Turkestan oriental, le travail forcé est largement répandu, le taux de natalité des enfants ouïghours a été fortement limité par différentes méthodes et la liberté culturelle et religieuse est considérablement restreinte. L’oppression a entraîné l’exil de nombreux·euses Ouïghour·e·s en Turquie et dans d’autres pays. Fuir cette région fortement surveillée est aujourd’hui devenu quasiment impossible. Environ 150 Ouïghour·e·s habitent aujourd’hui en Suisse. Beaucoup d’entre eux·elles vivent dans l’inquiétude pour les membres de leurs familles ou leurs ami·e·s resté·e·s en Turkestan oriental. En raison de l’emprise importante du Parti communiste chinois, ils·elles se sentent parfois même en insécurité en Suisse.
Le Turkestan oriental n’est qu’un exemple, même si c’est certainement le plus préoccupant, de l’évolution de la Chine dirigée par le secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping : obnubilé par le maintien à tout prix de la stabilité du pays et du pouvoir du parti, ce dernier n’hésite pas à réprimer avec une violence inimaginable les minorités telles que les Ouïghour·e·s. Et la Suisse aussi reste silencieuse face aux agissements de la Chine, pour conserver à tout prix ses relations économiques avec ce partenaire puissant.