17. novembre 2022
Actualité
Lula et les communautés autochtones
Photo : Des autochtones manifestent contre le gouvernement Bolsonaro, 2021
(Image: Scoot e Aranduhá / APIB))
Le président brésilien nouvellement élu, Luis Inácio «Lula» da Silva, veut redonner de la voix aux peuples autochtones. Il doit cependant sa victoire à des alliances avec des groupements politiques dont les intérêts se contredisent. Ceci pourrait constituer un obstacle de taille pour l’accomplissement de ses promesses électorales. Une évaluation de Vinícius Brito da Silva Machado, conseiller de la SPM au Brésil, sur la situation des autochtones concernant le changement de gouvernement à Brasilia.
Les élections présidentielles au Brésil du 30 octobre 2022 ont donné vainqueur l’ancien syndicaliste Luís Inácio Lula da Silva, candidat du parti de gauche et représentant du Parti des travailleurs (PT) avec 60,1 millions de voix. Dans une campagne électorale serrée contre Jair Messias Bolsonaro, président sortant et candidat du Parti libéral (PL) d’extrême droite, Lula a gagné avec une différence de 2,1 millions de voix, la plus serrée depuis la fin de la dictature militaire brésilienne en 1985. Le résultat est en outre une victoire de l’alliance des forces démocratiques et progressistes au sein de la coalition « Brésil de l’espoir », composée de partis de gauche et de centre-gauche. Après douze ans, Lula reviendra à Brasilia en janvier prochain pour un troisième mandat.
PROMESSES DE LULA AUX AUTOCHTONES
Pendant la période électorale, Lula a réussi à s’entourer de différents groupes, parmi lesquels les communautés autochtones brésiliennes, avec la promesse de mener une politique et des mesures qui respecteraient leurs droits. Dans les grandes lignes de son programme sur la reconstruction et le remaniement du Brésil, Lula s’est engagé à protéger les droits et les territoires des communautés autochtones. Il estime qu’il est de son devoir de sécuriser leurs terres et d’éviter les activités qui contreviennent à leurs droits. Il a également déclaré que des mesures étaient nécessaires pour permettre aux autochtones de vivre une vie digne : la garantie de leur qualité de citoyen·ne·s brésilien·ne·s ainsi que le plein respect de leur culture, de leurs traditions, de leur mode de vie et des connaissances traditionnelles des autochtones.
Lula veut également lutter contre l’exploitation des ressources naturelles du pays et encourager l’économie verte. Pour cela, il est nécessaire de réhabiliter les compétences de l’état, la planification stratégique et la participation sociale. Il est également important de renforcer l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (IBAMA) et la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI), deux institutions décimées par le précédent gouvernement.
Dans les plans du politicien de gauche, le Brésil est présenté comme producteur important de minéraux. Toutefois, l’exploitation minière doit être encouragée dans le cadre d’une plus grande interdépendance avec l’industrie nationale, un engagement en faveur de la protection de l’environnement, davantage de droits pour les travailleur·euse·s et le respect des communautés locales. En outre, Lula veut améliorer les normes de la réglementation minière et lutter fermement contre l’exploitation minière illégale, en particulier en Amazonie. Il s’agit là de promesses et engagements que Lula a prononcés et défendus durant toute la campagne électorale. Ce sont des promesses audacieuses : à quoi ressembleront les réglementations et en quoi seront-elles différentes des mesures prises par le gouvernement actuel de Bolsonaro ? Les communautés autochtones s’attacheront à observer minutieusement les évolutions dans ce domaine et à continuer de clamer leurs droits.
Dans son discours de victoire, Lula a promis aux communautés autochtones de leur accorder un ministère. Il a souligné que les populations autochtones devaient montrer la voie. « C’est la fin d’un régime fasciste. Un gouvernement qui n’aime pas les êtres humains. Un gouvernement qui n’aime pas les personnes noires. Un gouvernement qui n’aime pas les communautés autochtones. Pour les autochtones, je créerai un ministère pour qu’ils·elles ne soient plus jamais maltraité·e·s », a affirmé Lula. Il a assuré que le nouveau ministère devrait être mené par une personne autochtone. Dans son discours à São Paulo, après l’annonce des résultats, il a déclaré : « Ce ne sera pas un homme blanc comme moi ou une Galicienne comme Gleisi [Hoffmann, présidente du PT] mais une personne autochtone qui occupera la tête du nouveau ministère. »
APIB A SOUTENU LULA
Les mesures lui ont été présentées par l’organisation faîtière autochtone APIB. Dans un courrier, l’APIB a demandé aux Brésilien·ne·s et aux communautés autochtones de voter pour Lula en tant que président du Brésil. L’organisation s’est exprimée contre le gouvernement du président sortant J. Bolsonaro et a critiqué la politique du gouvernement au pouvoir. Ainsi, l’APIB souligne que les droits fondamentaux des communautés autochtones ont été soumis à un régime de régression et de répression, aussi bien d’un point de vue administratif, notamment avec le décret 11.226 qui a démis de ses fonctions le comité régional de la FUNAI, qu’avec des douzaines d’initiatives législatives telles que la PL-191/20 qui légalise l’exploitation de minéraux et de l’eau ainsi que de ressources organiques présente dans les réserves autochtones. Toutes ces mesures mettent en danger la vie et la continuité des différentes communautés sociales, ethniques et culturelles, à savoir plus de 305 communautés différentes, parlant au total plus de 274 langues.
Le courrier de l’APIB précise toutefois que les autochtones ne doivent pas voter pour Lula uniquement à cause de cette situation d’abus dont la politique de Bolsonaro est responsable. L’organisation explique qu’il est nécessaire d’avancer : « Nous devons faire cesser les processus de destruction. Note combat concerne notre population, mais aussi l’avenir de tou·te·s les Brésilien·ne·s et de l’humanité entière ! » (APIB 2022, traduction SPM)
LA VIGILANCE EST DE MISE
Durant son dernier mandat, Lula avait parfois malmené ses relations avec les autochtones, en représentant par exemple des intérêts qui pouvaient leur porter préjudice, entre autres la construction du barrage de Belo Monte. Il est important de garder un œil attentif sur les agissements de son gouvernement, car parmi les forces progressistes de son parti il y a également des représentant·e·s de l’agro-industrie et de l’exploitation minière : des secteurs qui peuvent occasionner de gros problèmes et dommages aux communautés autochtones.
Le juriste et socioanthropologue Vinícius Brito da Silva Machado est spécialiste des droits des autochtones. Il conseille la Société pour les peuples menacés (SPM) au Brésil.