La SPM clôture sa campagne pour la défense des droits fonciers au Sri Lanka. Les populations déplacées continuent de se battre pour faire valoir leurs droits.
De 2014 à 2019, la Société pour les peuples menacés (SPM) s’est fortement investie pour défendre les droits fonciers de la minorité tamoule au Sri Lanka. En collaboration avec l’organisation partenaire locale National Fisheries Solidarity Movement (NAFSO) et des personnes concernées, la SPM a obtenu plusieurs victoires. Maintenant, elle clôture sa campagne. Mais sur place, le combat pour la restitution des terres occupées par l’armée continue.
Ces cinq dernières années, la SPM a soutenu les personnes concernées par le vol de terres au Sri Lanka, en publiant des rapports, en organisant des ateliers et en faisant entendre sa voix auprès de l’ONU et du Conseil des droits de l’homme, afin qu’elles puissent enfin récupérer leurs terres occupées par l’armée pendant la guerre civile. Par ailleurs, la SPM a constaté et mis en évidence des violations des droits humains suite à l’accroissement du tourisme qui a conduit à l’expulsion de la population locale dans plusieurs régions du pays.
La campagne pour la défense des droits fonciers a porté ses fruits dans plusieurs cas. En 2018, par exemple, les habitant-e-s de l’île d’Iranaitivu ont récupéré leurs terres après de nombreuses années d’occupation par l’armée. Des familles originaires de la péninsule de Jaffna (nord du Sri Lanka) et qui avaient été placées dans des camps commencent progressivement à retourner sur leurs terres. D’autres personnes, en revanche, n’ont toujours pas repris possession de leurs terrains ou n’ont pu en récupérer qu’une petite partie seulement, et souvent, les décisions de justice se font encore attendre. C’est pourquoi les habitant-e-s de Keppapulavu et Silawathurai, par exemple, continuent de manifester sans relâche pour que leurs terres leur soient restituées.
Les nombreux ateliers organisés par la SPM ont considérablement aidé les personnes concernées en les informant sur leurs droits et la façon de constituer des réseaux. Grâce aux échanges ainsi créés et au contact avec les organisations locales, elles disposent désormais d’un savoir-faire important qui leur permet de se défendre de manière autonome contre les injustices. La SPM remercie chaleureusement l’organisation partenaire NAFSO ainsi que les personnes directement concernées pour la bonne collaboration et leur souhaite beaucoup de succès et de persévérance. Car, comme elles l’ont démontré, la ténacité finit par payer !
Sur cette page, vous trouverez toujours toutes les informations sur la campagne terminée. Ne manquez pas non plus de lire l’article détaillé sur les cinq années de campagne pour la défense des droits fonciers au Sri Lanka dans le revue Voice de juin 2019 (en allemand). Vous y trouverez également un aperçu des points focaux régionaux.
Le Sri Lanka suite à la guerre
Des années après la fin de la guerre civile, la situation en matière de droits humains au Sri Lanka demeure désastreuse. Et les minorités sont particulièrement concernées. La SPM informe sur les problèmes existants et explique à la population locale quels sont leurs droits et comment réagir face aux violations des droits humains.
L’élection du nouveau gouvernement sri lankais en 2015 a fait naître au sein de la population l’espoir de voir leur pays se réconcilier, vivre dans la paix et se développer. Un espoir qui ne s’est toutefois pas concrétisé. Bien au contraire : le processus de réconciliation est menacé et la situation en matière de droits humains est toujours aussi précaire. De plus, l’accroissement du tourisme est bien souvent davantage ressenti par la population comme une malédiction plutôt qu’un bienfait.
La SPM sensibilise l’opinion publique et les dirigeants politiques en Suisse à la situation au Sri Lanka, et ses organisations partenaires sur place organisent des ateliers pour expliquer à la population quels sont leurs droits et comment les faire respecter. D’un point de vue géographique, les difficultés se concentrent dans les anciennes zones de guerre, au nord et à l’est du pays.
Militarisation
Le Sri Lanka a connu une guerre civile très dure pendant 26 ans. Les troupes gouvernementales sri-lankaises ont violemment réprimé la lutte pour la création d’un Etat tamoul au nord et à l’est de l’île. Des dizaines de milliers de personnes sont mortes et des millions d’autres ont été déplacées. Suite à ce conflit, la situation en matière de droits humains au Sri Lanka est aujourd’hui encore déplorable et la militarisation est omniprésente.
- L’armée continue d’occuper de vastes territoires dans le nord et l’est du pays. Dans ces régions, les habitant-e-s n’ont plus accès aux terres ni à la mer et se voient ainsi privé-e-s de leurs principales sources de revenus.
- Le processus de réinstallation des nombreuses personnes déplacées ne progresse que lentement et le niveau de vie dans des camps où elles sont regroupées est désastreux.
- Le droit à la liberté d’expression est restreint et la torture est encore monnaie courante.
- Les tensions ethniques menacent le processus de réconciliation.
Accaparement de terres dans la région de Vanni
Le nord du Sri Lanka connaît une militarisation particulièrement forte. En raison de l’occupation militaire continue de leurs terres, bon nombre de Tamoul-e-s de la région de Vanni, notamment, vivent dans des conditions précaires. L’accaparement des terres par les militaires est un problème omniprésent, qui entraîne de nombreuses difficultés pour la population.
L’accès aux terres agricoles et aux zones de pêche n’est plus garanti en raison de la prolifération des zones militaires interdites d’accès. La population locale perd ainsi tout ou partie de ses moyens de subsistance traditionnels, si bien que sa sécurité alimentaire n’est plus assurée.
La perte d’un terrain cultivé depuis des générations prive ses propriétaires de leurs racines culturelles et de leurs réseaux sociaux.
Accaparement de terres dans la région de Vanni
Dans la région de Vanni, située dans le nord du Sri Lanka, là où se sont déroulées les dernières offensives de la guerre civile, les militaires continuent d’occuper de vastes étendues de terrain. De nombreux/euses Tamoul-e-s concerné-e-s par cette occupation vivent dans une grande pauvreté.
Dans la région de Vanni, la question foncière, qui n’est toujours pas résolue, est particulièrement virulente : presque toute la population locale a été chassée pendant les violents affrontements entre les troupes gouvernementales et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) ; les infrastructures et les moyens de subsistance ont pour l’essentiel été détruits. A l’heure actuelle, cette région du Sri Lanka est celle qui compte le plus de militaires par habitant. En raison de l’accaparement des terres par les militaires, l’accès aux terres agricoles et aux zones de pêche n’est plus garanti. La population locale perd ainsi tout ou partie de ses moyens de subsistance traditionnels, d’où son impossibilité de continuer à assurer sa sécurité alimentaire.
En 2017, cette situation a donné lieu dans plusieurs endroits à des protestations de la population locale et certaines durent encore aujourd’hui. Les protestataires réclament la restitution de leurs terres, et ils/elles ont parfois obtenu gain de cause. Ainsi, les protestations à Pilakudiyiruppu et à Puthukudiyiruppu, dans le nord du Sri Lanka, ont poussé les militaires à rendre une partie des terres à la population. Cependant, il n’est pas toujours possible de vivre sur les terres restituées : les maisons sont détruites et les champs parfois totalement inaccessibles tellement ils sont envahis par la végétation. En outre, les personnes qui reviennent ne reçoivent pas ou pas assez d’aide pour reconstruire les infrastructures et assurer leurs moyens de subsistance. La précarité de la situation et les manifestations montrent que la militarisation persistante et l’accaparement des terres a marginalisé encore un peu plus les populations touchées par la guerre.
L’île Iranaitivu – un succès pour la campagne de la SPM
Un succès dans la campagne de la SPM contre l’ accaparement de terres à Iranaitivu, dans le nord de Sri Lanka: Sauf trois, toutes les maisons de l’île Iranaitivu ont été nettoyées le 15 mai. Toutefois, celles-ci devraient également être publiées bientot. La pêche est possible sans restriction et les femmes peuvent de nouveau récolter des fruits de mer et ainsi générer un revenu. Même si la plupart des maisons ont été endommagées, il s’agit d’une étape importante la campagne de la SPM.
L’habitant Emeliyanus Pillai dit : « Nous sommes très heureux d’avoir récupéré notre pays et nous voudrions remercier à la SPM pour leur soutien dans notre lutte contre le vol de terres. Cependant, notre lutte continue parce que nous avons besoin d’aide pour la reconstruction de nos maisons et de nos infrastructures.»
Après la guerre en Sri Lanka, la marine avait occupé al petite île Iranaitivu et les habitants et habitantes ne pouvaient pas retourner – cela signifiait une grande restriction économique pour eux. Depuis mai 2017, l’ancienne communauté villageoise d’Iranaitivu a battu pour récupérer ses terres avec le soutien de la SPM. Maintenant, ils pourront vivre en dignité.
L’engagement de la SPM
Sous le mot d’ordre « Nous voulons récupérer nos terres ! », la SPM et son organisation partenaire locale, le « National Fisheries Solidarity Movement (NAFSO) », visent à obtenir la restitution des terres occupées. Outre un travail de plaidoyer (ou advocacy en anglais) aux niveaux local et international, il s’agit donc avant tout renforcer l’estime de soi des populations locales (touchées). Pour ce faire, la SPM a rédigé un rapport sur la question foncière dans la région de Vanni, a organisé des ateliers sur place à l’intention des personnes touchées et a attiré l’attention du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur ce problème. Par ailleurs, la SPM a soutenu plusieurs protestations, qui ont parfois été couronnés de succès : une des communautés protestataires soutenues par la SPM a en effet obtenu la restitution d’une partie de ses terres.
La SPM et son organisation partenaire NAFSO demandent au gouvernement sri lankais :
- démilitariser la région de Vanni en réduisant considérablement la présence militaire et en mettant fin à la surveillance de la population locale et de la société
civile ainsi qu’aux activités économiques de l’armée - rendre accessibles au public tous les territoires occupés et les restituer à leurs propriétaires d’origine de même que de consulter les personnes déplacées internes pour le processus de réinstallation
- fournir aux personnes déplacées et réinstallées des infrastructures de base suffisantes telles que de l’eau potable, de l’électricité et des équipements sanitaires, ainsi que l’accès aux structures médicales essentielles et à l’éducation
- assurer le plein accès à la terre et à l’eau pour les communautés locales.
Rapports et communiqués de presse
Militarisation
Des années après la fin de la guerre civile, le Sri Lanka ne connaît toujours ni la paix ni la réconciliation et les habitant-e-s peinent à gagner leur vie. Les problèmes que connaît actuellement le pays sont, pour la majeure partie, imputables à la militarisation omniprésente. L’armée contrôle la population mais également une grande partie des terres et de l’économie.
Dans son rapport sur la militarisation de la péninsule de Jaffna publié en automne de 2016, la SPM a montré que les conséquences de la guerre y sont encore bien visibles aujourd’hui. L’armée occupe d’immenses territoires empêchant les populations locales d’accéder à leurs terres et à la mer, les privant ainsi de leurs sources de revenus traditionnelles issues de l’agriculture et de la pêche. Le processus de réinstallation des nombreuses personnes déplacées ne progresse que lentement et le niveau de vie dans les camps où elles sont regroupées est désastreux. Par ailleurs, les activités économiques de l’armée dans le tourisme et l’agriculture privent la population d’importantes sources de revenus.
Au-delà de la péninsule de Jaffna, la SPM constate de manière récurrente que le processus de réconciliation stagne au Sri Lanka et que la situation en matière de droits humains ne s’est pas réellement améliorée depuis l’arrivée au pouvoir du président Sirisena en 2015, même si quelques améliorations ponctuelles ont été enregistrées en matière de liberté de la presse et de liberté de réunion. Dans d’autres domaines, le gouvernement porte encore de lourdes responsabilités vis-à-vis de la population : la torture est toujours monnaie courante, le pays reste fortement militarisé, et la surveillance et les actes d’intimidation sur la société civile et la population locale de la part des forces de sécurité se poursuivent. Par ailleurs, de nombreux/euses prisonniers/ères politiques sont toujours détenu-e-s. Enfin, les tensions ethniques menacent le processus de réconciliation : la minorité tamoule n’a toujours pas obtenu l’égalité de traitement promise par le gouvernement et les magasins tenus par des musulman-e-s ainsi que les mosquées continuent d’être la cible d’attaques violentes.
Le travail de la SPM
Avec le soutien de son organisation partenaire « National Fisheries Solidarity Movement » (NAFSO), la SPM attire depuis de nombreuses années l’attention sur la situation en matière de droits humains au Sri Lanka, sur le problème lié à l’impunité et sur les répercussions négatives de l’omniprésence militaire. En octobre 2016, une manifestation présentant le rapport sur la militarisation de la péninsule de Jaffna avait connu un franc succès malgré les menaces téléphoniques reçues en amont par un bon nombre de participant-e-s, orchestrées par l’armée. Les représentant-e-s de la classe politique, de l’Eglise, des syndicats des pêcheurs, des autorités locales ainsi que la population locale se sont réjouis que la SPM aborde ouvertement la question de la militarisation.
La SPM a également organisé de nombreux ateliers afin d’expliquer à la population quels sont ses droits et comment réagir face aux violations des droits humains. En avril 2017, une cinquantaine de personnes a participé à un atelier à Jaffna. Les participant-e-s, tou-te-s victimes d’accaparement des terres, étaient originaires de différentes régions et communautés ethniques. Ils/elles ont été surpris-e-s d’entendre que les problèmes auxquels ils/elles faisaient face touchaient également d’autres communautés ethniques que la leur. En signant la « Déclaration de Nallur », les participant-e-s ont clairement exprimé leur opposition à l’accaparement des terres. Cela avec succès : en juillet 2017, le port Myliddy sur la péninsule de Jaffna a été libéré après 27 ans d’occupation. Ce port est d’une énorme importance pour la population ; l’accès à ses immenses pêcheries signifie pour beaucoup d’entre eux la sécurisation de leur base d’existence.
Revendications au gouvernement sri lankais et à la communauté internationale :
- Le Sri Lanka doit réduire la présence militaire et mettre un terme aux activités économiques de l’armée.
- La surveillance et les tentatives d’intimidation à l’égard de la population et de la société civile doivent cesser.
- Dans le nord et l’est du Sri Lanka, l’ensemble des terres occupées par l’armée doit être restitué à leurs propriétaires d’origine et les personnes déplacées consultées dans le cadre du processus de réinstallation.
- Le Sri Lanka doit appliquer dans sa totalité la résolution 30/1 des Nations Unies : « Favoriser la réconciliation et l’établissement des responsabilités et promouvoir les droits de l’homme à Sri Lanka ».
- La Suisse doit adapter sa pratique en matière d’asile et de renvoi en tenant compte de la situation des droits humains au Sri Lanka.
Tourisme et droits humains
Le Sri Lanka est actuellement en plein essor touristique. En Europe occidentale, l’image d’une destination touristique paisible est vendue à grands renforts de publicité. Avec 26 000 touristes en 2016, la Suisse représente le sixième plus grand pays de provenance d’Europe occidentale. Dans son rapport publié en 2015, la SPM a montré que dans les régions touristiques comme Kalpitiya, Kuchchaveli et Passikudah, le tourisme génère parfois de nouveaux problèmes en relation avec les droits humains.
Dans ce rapport, la SPM se concentre sur trois régions à fort potentiel touristique que sont Kuchchaveli, Passikudah et Kalpitiya, et tente de déterminer quels droits humains sont violés dans le cadre de projets touristiques et dans quelle mesure la population locale profite vraiment de l’essor touristique. Le bilan est décevant : les hôtels et complexes hôteliers bloquent l’accès à la mer, ce qui compromet sévèrement l’existence économique de familles entières. Des habitants voient leurs terres confisquées et seule une petite partie de la population locale arrive à gagner sa vie grâce au tourisme.
Le travail de la SPM
En publiant son rapport, la SPM a voulu, d’une part, sensibiliser les tour-opérateurs européens et, d’autre part, soutenir directement la population locale sur place. Elle a donc organisé, avec le soutien de son organisation partenaire « National Fisheries Solidarity Movement » (NAFSO) de nombreux ateliers afin de présenter les résultats de ce rapport et d’expliquer à la population locale quels sont ses droits. La SPM a également abordé les mesures permettant à la population de profiter de la manne touristique, en encourageant par exemple les hôtels à acheter le poisson directement aux pêcheurs sans passer par des intermédiaires ou en proposant à la population des offres de formation dans le secteur du tourisme. Les représentant-e-s de la population locale ont ensuite participé à des tables rondes avec des hôteliers et des représentants du ministère national de la pêche et des autorités en charge du tourisme au Sri Lanka.
Les résultats enregistrés jusqu’à présent montrent que la campagne de la SPM porte ses fruits : aujourd’hui, la population locale et notre organisation partenaire NAFSO sont davantage considérées comme des interlocuteurs pour ce qui touche aux questions touristiques. La SPM va continuer de soutenir la population locale et la NAFSO dans leurs revendications.
Revendications adressées aux hôteliers, aux tour-opérateurs et au gouvernement sri lankais:
- Le développement touristique est vital pour l’économie du Sri Lanka mais cela ne doit pas se faire aux dépens du respect des droits humains, en recourant aux expropriations ou aux déplacements de population.
- Les hôtels ne doivent pas empêcher les pêcheurs d’accéder à leurs lieux de mouillage traditionnels.
- Le gouvernement ne doit plus exproprier la population locale en vue d’un projet touristique sans offrir une compensation.
- Les autorités nationales en charge du tourisme doivent consulter la population locale avant tout projet touristique.
- Les tour-opérateurs doivent revoir régulièrement leur obligation de diligence en matière de droits humains sur l’ensemble de leur chaîne de valeur ajoutée, en contrôlant aussi les hôtels proposés et les activités touristiques. Les activités qu’ils proposent ainsi que celles de leurs fournisseurs ne doivent pas porter atteinte aux droits humains.
Les pêcheurs de Nilaveli :
Au Sri Lanka, la Société pour les peuples menacés mène des programmes de formation et de mobilisation pour expliquer aux pêcheurs concernés quels sont leurs droits et leur apprendre à réagir face aux violations des droits humains.