Deux mines de cuivre sont en projet dans le nord de la Norvège depuis bientôt dix ans. Cette matière première est de grande importance pour la technologie solaire et éolienne. Les déchêts produits par son extraction représentent une menace considérable pour la population locale de poissons, la pêche et l’élevage de rennes. Cet élevage est le moyen de subsistance de la population autochtone, les Sami·e·s. Les Sami·e·s et la SPM se sont défendu·e·s et ont remporté une victoire partielle : Credit Suisse, fortement impliquée dans le projet, s’est retirée. Le combat des Sami·e·s se poursuit aujourd’hui. Leurs droits ne sauraient être bafoués sous couvert de transition énergétique.
Le Repparfjord est un petit bras de mer (fjord) dans le Finmark, tout au nord de la Norvège. La pêche y est très importante au vu de l’abondance de poissons. Des communautés samies peuplent également la région. Les pâturages sont essentiels pour l’élevage des rennes. Mais les sols abritent des gisements de cuivre que le groupe minier Nussir ASA convoite depuis déjà une décennie.
Ainsi, Nussir ASA rejoint les rangs des acteurs à la mode du mouvement actuel de politique énergétique, mais aussi économique. L’extraction de cuivre n’a cessé d’augmenter au cours des dernières décennies, le cuivre étant de plus en plus prisé dans le cadre de la transition énergétique. Ce métal n’est plus uniquement utilisé en tant que conducteur, car très efficace pour les réseaux électriques, mais il est également devenu un élément central pour les installations solaires et éoliennes.
L’espace de vie des Sami·e·s est menacé
Afin de répondre à la demande toujours croissante, l’entreprise Nussir ASA prévoit, depuis 2014, d’exploiter deux mines de cuivre sur territoire sami, dans le Repparfjord. Concrètement, l’entreprise prévoit d’extraire 50 000 tonnes de minerai de cuivre sur les sites de Nussir et Ulveryggen. De l’avis de la SPM et des communautés samies vivant sur place, le projet représente une menace écologique et une violation des droits de la communauté samie, surtout en raison du manque de procédure de consultation. En effet, il est prévu que l’extraction du cuivre et l’exploitation des mines, ainsi que la construction des infrastructures nécessaires, aient lieu sur des terres d’élevage de rennes. Ceci constitue une menace pour l’élevage de rennes traditionnel et, de ce fait, pour le moyen de subsistance et la culture des communautés autochtones. Mais cela ne s’arrête pas là : l’entreprise prévoit également un système d’évacuation sous-marin pour déverser les résidus chimiques et les métaux lourds, donc les déchets des mines, directement dans le fjord, mettant en péril les stocks de poissons et la pêche locale qui en dépend.
Le Credit Suisse sous pression
La banque suisse Credit Suisse (CS) était aussi impliquée dans ce projet : selon les recherches de la SPM, Credit Suisse a détenu 20,6 % des actions de Nussir ASA en tant qu’actionnaire désigné jusqu’en 2019, pour des clients alors encore gardés anonymes. La grande banque était responsable de la deuxième plus grande part d’actions du groupe, juste derrière la société norvégienne Monial AS. Les communautés samies concernées, le Parlement sami norvégien et la SPM ont demandé au Credit Suisse de renoncer à son rôle d’actionnaire désigné jusqu’à ce qu’une solution à l’amiable soit trouvée avec les Sami·e·s. En 2019, la SPM a lancé une campagne sous le slogan « Credit Suisse: Stop banking against the Sámi! » sur l’implication de CS afin de faire pression sur la banque suisse via le grand public et attirer l’attention sur sa responsabilité quant aux violations des droits des autochtones.
Alors que la situation stagne au niveau juridique, Credit Suisse a décidé de répondre aux exigences des communautés samies et de la SPM en décembre 2020 : la banque a renoncé à la gestion des actions de Nussir ASA et ne participe plus au projet en tant qu’actionnaire désigné. C’est un succès partiel. Grâce au retrait de CS, le nom de l’investisseur gardé secret jusqu’ici est enfin connu, il apparait désormais officiellement dans le registre des investisseurs de Nussir ASA et devient publiquement responsable. Cet investisseur a pris contact avec la communauté samie après l’accord entre la banque et les communautés.
En mars 2019, l’organisation de défense de l’environnement Naturvernforbundet (Friends of the Earth Norway), le Parlement sami et des éleveur·euse·s de rennes ont saisi la justice pour contester la validité de la licence d’exploitation octroyée à Nussir ASA, au motif que la licence délivrée bafouait les droits nationaux et internationaux de la communauté autochtone samie. La plainte est toujours active.
Le combat politique continue
Toutefois, le retrait de Credit Suisse ne signifie pas la fin du projet minier. Nussir ASA a signé une déclaration d’intention avec Aurubis AG, un des plus grands producteurs de cuivre d’Europe. Avec cet accord, le projet devient de plus en plus réel. Les communautés samies se battent contre le projet, avec tous les moyens politiques et juridiques à leur disposition. Elles ont également été en contact avec Aurubis. Au cours de l’été 2021, de jeunes militant·e·s ont rejoint les pêcheur·euse·s locaux·ales et les membres de la communauté samie sur les rives du Repparfjord afin de bloquer le projet de construction de la mine. Leur présence a attiré l’attention du géant du cuivre allemand Aurubis AG qui a fait savoir qu’elle mettait un terme à son contrat offtake avec Nussir ASA, en raison de préoccupations liées à la durabilité. A l’heure actuelle, le projet de construction de la mine est suspendu, également en raison du désistement de plusieurs investisseurs. Le projet existe toujours, ainsi que la menace envers la culture samie et l’environnement. La SPM continue de soutenir les demandes des Sami·e·s et suivra attentivement ce dossier.
Ensemble, les communauté samies et la SPM ont pu se faire entendre de la banque suisse Credit Suisse, qui a assumé ses responsabilités et s’est retirée du projet. Mais le projet reste d’actualité et fait planer une menace aiguë sur la population locale depuis près d’une décennie.
Ainsi, la SPM et les communautés samies concernées réitèrent leurs revendications :
- les droits fonciers des Samie·s doivent être reconnus dans tous les projets. En cas d’accord sur les droits d’utilisation du sol, il s’agit de prévoir une compensation appropriée, comme par exemple une participation aux bénéfices ;
- Nussir ASA doit stopper le projet en attendant de trouver une solution à l’amiable avec les Samie·s concerné·e·s ;
- toutes les parties impliquées doivent respecter, pour tout projet d’investissement futur, le consentement libre, préalable et éclairé (CLPE). Elles doivent ainsi veiller au respect des droits des autochtones et leur garantir la possibilité de participer aux décisions. Ceci est également valable pour les projets d’énergie renouvelable.