06. juin 2024

Actualité

Insécurité en exil aussi : répression de la Chine au-delà des frontières

Gulbahar Jalilova

Surveillance, espionnage, menaces : les personnes qui fuient la Chine ne se sentent pas toujours en sécurité en exil. Même en dehors de ses frontières, la République populaire entend faire taire les membres des communautés oppressées ainsi que tout mouvement d’opposition au régime – en Suisse aussi.

Paris, mai 2024 : Gulbahar Jalilova, militante ouïghoure (photo), s’apprête à tourner dans sa rue, lorsqu’elle aperçoit un van noir aux vitres tintées garé devant son domicile et huit hommes vêtus de noir devant sa porte d’entrée. Des Chinois, d’après des témoins oculaires. Bien que le nom de Jalilova ne figurait pas sur la sonnette, les hommes ont sonné à la porte de son logement à plusieurs reprises et demandé à entrer. Comme elle ne répondait pas, ils l’ont appelée sur son téléphone. Elle eut alors la présence d’esprit de quitter les lieux et vit désormais en lieu sûr. Elle bénéficie du soutien de l’Institut Ouïghour d’Europe qui a porté plainte, en France, contre le groupe d’hommes concerné, pour « menaces et intimidation ». « L’incident de Paris avec Mme Gulbahar Jelilova n’est pas le premier et ne sera pas non plus la dernière tentative d’intimidation du gouvernement chinois. Les pays occidentaux et démocratiques doivent enfin se réveiller », déclare Asgar Can, militant ouïghour des droits humains.

Gulbahar Jalilova est une rescapée : elle a passé 15 mois dans un camp d’internement chinois, survécu à la torture et aux mauvais traitements. Avant d’en sortir, elle a promis à ses codétenues de raconter au monde la réalité des camps. C’est ainsi que, en exil à Paris, elle est devenue militante : inlassablement, elle raconte son histoire au grand public et s’est également rendue en Suisse, à cette fin, sur invitation de la SPM. « Je n’ai pas peur », avait-elle déclaré à l’automne 2022 lors d’une table ronde organisée à Zurich.

Le gouvernement chinois veut aussi faire taire les gens à l’étranger

Gulbahar Jalilova n’est pas la seule à ressentir l’emprise importante de la Chine : la République populaire tente régulièrement, aussi à l’étranger, d’entrer en relation avec des militant·e·s, des membres des communautés oppressées ou encore des étudiant·e·s, y compris en Suisse. « Depuis plus de 30 ans, le Parti communiste use de tous les moyens possibles pour me ramener en Chine, me recruter comme espion ou me faire taire », a par exemple confié Kerim Sharif, exilé ouïghour, au journal Blick. Un nouveau rapport d’Amnesty International confirme que de jeunes étudiant·e·s de Chine et de Hong Kong font l’objet de surveillance et d’intimidation pendant leur séjour d’études à l’étranger, afin de les empêcher de s’engager sur des questions politiques « sensibles ». Des étudiant·e·s installé·e·s aussi en Suisse ont été interrogé·e·s pour les besoins du rapport.

« Le phénomène de répression transnationale exercée par des acteurs du régime chinois est largement répandu et augmente », explique Selina Morell, responsable du programme Chine au sein de la SPM. A cet égard, la Suisse a une part de responsabilité : « La Confédération envoie un mauvais signal à la Chine en plaçant les intérêts économiques souvent au-dessus des droits humains », déplore Selina Morell. Cet automne, la réponse tant attendue au postulat déposé par la commission de politique extérieure du Conseil national, et qui avait fait suite à une pétition de la SPM, pourrait apporter des informations supplémentaires sur la situation et pousser à l’action : le postulat demandait l’élaboration d’un rapport détaillé sur la situation des Tibétain·e·s et des Ouïghour·e·s en accordant une attention particulière à la question de la liberté d’expression et de la surveillance.

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