30. mai 2023

Actualité

Justice climatique pour les communautés autochtones

L’Alliance climatique a récemment publié sa nouvelle prise de position « Justice climatique », dans laquelle elle demande aux responsables politiques suisses de prendre enfin leurs responsabilités. En effet, la recherche d’une solution juste est urgente et indispensable : aujourd’hui déjà, les populations qui contribuent le moins à la crise climatique sont celles qui en souffrent le plus et, dans le cas des communautés autochtones, celles qui sont en plus affectées par les solutions proposées aujourd’hui.

Les communautés autochtones sont particulièrement touchées par les conséquences de la crise climatique. Avec l’augmentation des températures, l’absence de récoltes, les situations climatiques extrêmes et la destruction de territoires entiers, il leur est souvent impossible de continuer à pratiquer leur mode de vie. Mais les communautés autochtones ne sont pas seulement menacées par les conséquences de la crise climatique, mais aussi par ses principaux accélérateurs : l’exploitation industrielle des matières premières et des énergies fossiles ont de lourdes répercussions, des territoires autochtones entiers sont détruits et les populations qui y vivent expulsées de force. Enfin, certaines solutions envisagées pour enrayer la crise climatique affectent particulièrement les communautés autochtones : les ressources nécessaires pour produire de l’énergie verte par exemple nécessitent elles aussi d’être extraites de la terre et rendues exploitables. L’extraction des matières premières, quant à elle, suit le même schéma que celui utilisé pour les autres ressources naturelles : exploitation des territoires autochtones, destruction de l’environnement et pression exercée sur les communautés autochtones, au nom de l’énergie verte.

L’exemple de l’entreprise russe Nornickel illustre bien la situation. Le géant minier extrait du nickel, un matériau utilisé notamment pour les batteries de stockage et donc pour la production d’énergie dite verte. En 2020, une fuite de diesel provenant de l’entreprise russe s’est répandue dans la toundra environnante et a occasionné des dégâts écologiques considérables sur la péninsule de Taïmyr, empoisonnant les rivières et privant de leurs moyens de subsistance les communautés autochtones qui vivaient sur le site. L’entreprise dit aujourd’hui avoir retenu la leçon et affirme que les communautés autochtones ont la possibilité d’exercer leur droit à la parole et d’être associées aux décisions concernant leurs territoires. Des affirmations tout simplement mensongères : « Les gens qui posent des questions gênantes sur les violations présumées de prescriptions et évoquent des problèmes sont tout simplement exclus », explique Pavel Sulyandziga, président de l’organisation autochtone indépendante Fonds Batani.

Par ailleurs, d’autres projets présentés comme écologiques sont souvent bien moins verts qu’ils n’y paraissent de prime abord : la construction de la ligne ferroviaire Ferrogrão, prévue en Amazonie brésilienne, est censée représenter une alternative écologique, notamment pour le transport du soja dont la production se fait pourtant souvent au détriment de l’Amazonie. En outre, le projet prévoit que la voie ferrée traverse des territoires autochtones ainsi qu’un parc national, ce qui engendrerait des conséquences désastreuses pour les communautés concernées, la biodiversité et le climat. Dans certains pays européens aussi, des projets d’infrastructures présentés comme des exemples d’économie verte voient également le jour : en Norvège, la société Fosen Vind a construit 150 éoliennes sur la presqu’île de Fosen. Or, selon un arrêt rendu par la Cour suprême de Norvège, la construction et l’exploitation de ces dernières constituent une violation des droits de la communauté autochtone samie vivant dans la région. Pourtant, les éoliennes tournent toujours, au nom de la transition énergétique.

Ces exemples envoient un message clair : les solutions envisagées pour répondre à la crise climatique ne doivent pas se faire au détriment des communautés autochtones ; une transformation profonde et une transition juste sont nécessaires. Et pour cela, le soutien des responsables politiques est également nécessaire car les projets et les entreprises qui exploitent les territoires autochtones ont souvent des connexions directes avec la Suisse, plaque tournante internationale pour le commerce des matières premières et place financière mondiale, comme c’est le cas pour Nornickel, Fosen Vind et le projet Ferrogrão. Nornickel vend la totalité de sa production russe en Europe, en Chine ou aux Etats-Unis par l’intermédiaire de sa filiale suisse Metal Trade Overseas SA basée à Zoug. Le groupe énergétique bernois BKW, pour sa part, a investi dans le parc éolien situé sur la presqu’île de Fosen. Concernant la ligne ferroviaire en Amazonie, des établissements financiers suisses ont, eux aussi, exprimé un intérêt quant à son financement. Par conséquent, l’Alliance climatique demande aussi à la Suisse de participer à la réduction des émissions de CO2 à l’étranger, indépendamment de ses propres objectifs en la matière. Pour garantir une transition juste, il faut regarder par-delà les frontières nationales car la responsabilité de la Suisse ne se limite pas aux limites géographiques du pays. Un oui à la loi climat le 18 juin est un premier pas important.

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