06. septembre 2017
Communiqué de presse
Yéniches, Sintés et Roms : une plainte est déposée contre des associations professionnelles et des journaux fribourgeois
A la mi-juin, trois associations professionnelles fribourgeoises, l’association Holzbau Schweiz ainsi que l’association des maîtres charpentiers et des fabricants de meubles suisses ont publié une annonce commune dans deux journaux fribourgeois. Dans cette annonce, la population a été mise en garde contre le fait de confier des travaux dans les secteurs de la plâtrerie-peinture, du carrelage, ainsi que la menuiserie-charpente à des « gens du voyage ». Une plainte pour violation de la norme pénale antiraciste a été déposée aujourd’hui auprès du Ministère public du canton de Fribourg contre les associations professionnelles et les deux journaux concernés. La Société pour les peuples menacés (SPM) soutient cette plainte car elle voit dans cette annonce l’expression d’un antitsiganisme croissant en Suisse.
L’Association fribourgeoise des maîtres plâtriers et peintres, le Groupement fribourgeois des carreleurs, l’Association fribourgeoise des entreprises de menuiserie, ébénisterie, charpenterie et fabriques de meubles, l’association Holzbau Schweiz ainsi que l’association des maîtres charpentiers et des fabricants de meubles suisses (VSSM) ont publié à la mi-juin un avis à la population dans les journaux fribourgeois respectivement La Liberté et Freiburger Nachrichten. Dans cette annonce, qui avait l’apparence d’un communiqué officiel, les associations professionnelles mettaient la population en garde contre le fait de confier des travaux dans les secteurs de la plâtrerie-peinture, du carrelage, ainsi que la menuiserie-charpente à des « gens du voyage ». Il était notamment écrit que ces travaux seraient « souvent réalisés au mépris des prescriptions de sécurité et de protection de l’environnement les plus élémentaires » et que dans de nombreux cas, la qualité et la durabilité des travaux ne seraient pas garanties. Dans une interview parue dans l’édition du 13 juin 2017 de La Liberté, Laurent Derivaz, secrétaire des associations fribourgeoises mentionnées ci-dessus, déclare que les « gens du voyage » practiquaient une concurrence déloyale : « Ces personnes ne respectent aucune mesure de protection de l’environnement ni de sécurité. Et elles cassent les prix. »
Les activités de commerce itinérant sont déjà fortement réglementées
Du point de vue de la SPM, l’annonce a été publiée dans le but d’empêcher la concurrence, et ce d’une façon malhonnête, car les activités de commerce des Yéniches, Sintés et Roms nomades sont déjà fortement réglementées et contrôlées. En Suisse, les activités de commerce itinérant sont soumises à autorisation et requièrent la délivrance d’une patente. Ceci est valable pour les Suisses comme pour les personnes venant de l’étranger. La demande doit être déposée soit auprès des autorités cantonales compétentes, soit auprès de l’entreprise ou de l’association faîtière habilitée au moins vingt jours avant le début de l’activité ou l’échéance de l’autorisation en cours. En outre, les personnes demanderesses ne doivent pas avoir été reconnues coupables de délit ou de crime pendant les deux années précédant le dépôt de la demande. L’autorisation renouvelable est délivrée sous la forme d’une carte d’identification personnelle et incessible, valable pour une durée de cinq ans. Les autorisations délivrées aux gens du voyage venant de l’étranger ont une durée de validité plus courte : un an dans la majorité des cantons.
L’annonce stigmatise les Yéniches, Sintés et Roms
En 1998, la Suisse a reconnu les « gens du voyage » comme une minorité nationale. L’année dernière, elle a précisé que cela concerne les membres des communautés yéniche et sinté. En ratifiant la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, la Suisse s’est engagée à protéger le mode de vie nomade. Cela comprend en particulier la protection contre la discrimination. Les nomades yéniches, sintés et roms dépendent de la confiance de la population pour leurs activités de commerce. Ils ont souvent une clientèle fidèle et vivent des recommandations circulant par le bouche-à-oreille. L’annonce remet fondamentalement en cause la qualité et l’éthique du travail des membres de ces minorités et, du point de vue de la SPM, les stigmatise publiquement. Cela peut handicaper les travailleurs nomades dans l’exercice de leur profession et leur causer du tort sur les plans personnel, professionnel et économique. Selon la Société pour les peuples menacés, l’annonce enfreint l’art. 261 du code pénal suisse (« norme pénale contre la discrimination raciale »). La SPM s’inquiète de la montée de l’antitsiganisme en Suisse, du racisme à l’encontre des Yéniches, Sintés et Roms.