24. avril 2018
Communiqué de presse
Le Tribunal fédéral doit annuler la loi neuchâteloise sur le stationnement des communautés nomades
Deux citoyens neuchâtelois d’origine yéniche, l’organisation yéniche «chefft kwant» et l’organisation de défense des droits humains Société pour les peuples menacés ont déposé hier un recours auprès du Tribunal fédéral contre la nouvelle loi neuchâteloise sur le stationnement des communautés nomades.
Cette loi votée en février 2018 par le Grand Conseil neuchâtelois a pour objectif premier de réglementer le séjour des communautés roms, sintés et yéniches dans le canton de Neuchâtel. Les recourants craignent que cette loi exacerbe la discrimination déjà subie par ces communautés. En effet, la loi ne prévoit pas la création d’aires de stationnement pour les Roms, Sintés et Yéniches mais impose une réglementation qui rend la construction d’aires plus difficile et facilite les expulsions. Les recourants sont d’avis que cette loi contrevient à la Constitution fédérale et à plusieurs autres lois suisses, ainsi qu’au droit international. Le Tribunal fédéral sera dès lors appelé à se prononcer sur la validité de la loi neuchâteloise, dont les recourants demandent l’annulation. « Les communautés roms, sintés et yéniches n’ont été ni impliquées ni consultées lors de l’élaboration de cette loi, critique Venanz Nobel, vice-président de l’association «chefft kwant», qui soutient le recours. Les Roms, Sintés et Yéniches perçoivent la loi comme fortement discriminatoire. Ils dénoncent l’intention de cette loi, qui rend impossible toute mise à disposition de places de stationnement sur des terrains achetés par les communautés roms, sintés et yéniches. De plus, elle décourage les propriétaires privés en leur imposant un carcan restrictif de directives. » Le canton lui-même se réserve le droit de délocaliser des aires dans d’autres cantons. Qui plus est, les voies juridiques ouvertes aux Roms, Sintés et Yéniches sont limitées, voire inexistantes, ce qui transgresse le principe d’égalité de droit pour tous les citoyen-ne-s. Cette nouvelle loi permet par exemple au canton de mettre en place des conditions qui permettront à la police d’expulser immédiatement les communautés roms, sintés et yéniches, même si le canton ne propose aucune alternative de séjour. Ainsi, le canton se dispense de sa responsabilité en matière de mise à disposition d’aires en suffisance pour les communautés roms, sintés et yéniches.
Une répression qui enfreint le droit des minorités
Le pays tout entier manque d’aires de séjour et de transit ; la situation s’est même dégradée au cours des dernières années, comme l’a démontré une étude de la SPM publiée l’automne dernier. Les Roms, Sintés et Yéniches d’origine étrangère rencontrent des difficultés particulières, bien que la Suisse soit dans l’obligation de leur proposer des aires de transit en raison de leur statut de citoyen-ne-s européen-ne-s, au sens de l’accord sur la libre-circulation des personnes. Au lieu de créer suffisamment d’aires pour les communautés roms, sintés et yéniches, le canton de Neuchâtel choisit aujourd’hui la voie de la répression.
Là où d’autres cantons se sont efforcés jusqu’ici de prévoir des aires dans leur aménagement du territoire, en accord avec les autorités fédérales, Neuchâtel est le premier canton à mettre en place une « Loi anti-nomades », exhaustive et autonome. Cette loi se limite à mettre en place des règlementations restrictives sur la façon de séjourner sur des aires de stationnement, qui au final n’existent même pas. Elle n’offre aucune possibilité aux minorités reconnues de promouvoir et de mettre en valeur leur culture et ne propose pas de cadre pour leur garantir un accès aux institutions sociales. « Nous accordons une grande importance à cette loi, et surtout à son évaluation par le Tribunal fédéral, qui peut ainsi créer un précédent qui servira pour d’autres autorités », explique Christoph Wiedmer, co-directeur de la SPM. Le Tribunal fédéral doit désormais décider si la loi neuchâteloise contrevient à différents articles de la Constitution fédérale, de la Constitution du canton de Neuchâtel, de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Convention cadre pour la protection des minorités nationales ainsi que du Pacte II de l’ONU relatif aux droits civils et politiques.