12. novembre 2020

Communiqué de presse

Accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine: Un avis de droit montre que la politique suisse à l'égard de la Chine a besoin d'un nouveau départ

Le Conseil fédéral devrait adopter sa stratégie Chine avant la fin de l’année. Entre-temps, les rapports alarmants sur la situation des droits humains dans ce pays se succèdent, notamment en ce qui concerne le recours systématique au travail forcé du peuple Ouighour. Toutefois, l’accord de libre-échange (ALE) avec la Chine n’offre pas à la Suisse la possibilité d’exclure l’importation de produits résultant du travail forcé, avec des préférences tarifaires. C’est la conclusion d’un nouvel avis de droit.

La crise du coronavirus montre de manière éclatante la forte dépendance économique des pays européens vis-à-vis de la Chine. C’est de là, par exemple, que proviennent la plupart des masques vendus en Suisse. Proviennent-ils du travail forcé ? Les recherches du New York Times ont révélé en tout cas que de nombreux fabricants de masques chinois ont recours au travail forcé. Dans la province chinoise du Turkestan oriental (Xinjiang), au moins un million de Ouïghours sont détenus dans des camps et des dizaines de milliers sont contraints de travailler dans des usines fournissant des marques internationales.

L’actuel accord de libre-échange (ALE) entre la Suisse et la Chine n’offre aucune garantie que les produits issus du travail forcé n’entrent pas en Suisse à des conditions préférentielles. En effet, « il ne contient aucune disposition pour la protection des droits humains », comme le précise un nouvel avis de droit du professeur bernois et expert en droit du commerce international Thomas Cottier.

Aucune possibilité de sanctions en matière de politique commerciale

Comme l’ALE ne fait pas de lien entre le commerce et les droits humains, M. Cottier estime que les chances d’ajuster le traité pour qu’il protège les droits humains sont minces. L’accord de coopération en matière de travail, que le Conseil fédéral met toujours en avant et qui est entré en vigueur avec l’ALE, n’offre pas de solution en cas de travail forcé systématique. Il n’est même pas certain que cet accord parallèle soit contraignant en droit international.

Comme l’ALE avec la Chine est basé sur le droit de l’OMC, la Suisse aurait la possibilité de recourir au mécanisme de règlement des différends de l’OMC pour les produits issus du travail en prison. Cependant, étant donné que la jurisprudence de l’OMC repose en grande partie sur des précédents et qu’aucune décision sur le travail forcé n’a encore été prise, cette option semble sans espoir, d’autant plus que le fardeau de la preuve, extrêmement difficile, incombe à la partie qui porte l’affaire devant le tribunal arbitral.

Le rapport recommande donc à la Suisse d’ancrer à l’avenir sa politique des droits humains dans le droit de l’économie extérieure. À cette fin, on peut imaginer une nouvelle loi sur l’économie extérieure qui, dans le cadre d’un processus démocratique, définisse les conditions de négociation des accords internationaux.

Appel à un nouveau départ de la politique suisse à l’égard de la Chine

Thomas Cottier confirme ainsi les craintes qu’Alliance Sud, la Société pour les peuples menacés et Public Eye avaient exprimées avant même la conclusion de l’accord de libre-échange. La devise du Conseil fédéral « le changement par le commerce » est considérée depuis longtemps comme obsolète dans le cas de la Chine. Il est impératif que la Suisse place la protection des droits humains et de ses propres valeurs au centre de ses relations avec la Chine. C’est également la conclusion à laquelle aboutit le dernier rapport du Service de renseignement suisse (SRS). Le Conseil fédéral adoptera sa première stratégie officielle sur la Chine à la fin de l’année. Dans ce contexte, Alliance Sud, la Société pour les peuples menacés et Public Eye appellent à donner la priorité aux droits humains par rapport aux intérêts économiques à court terme.

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