10 décembre 2020
Notre engagement en faveur de la communauté ouïghoure
Au cours des deux dernières années, la Chine a multiplié les actes de répression systématique à l’encontre de la communauté ouïghoure, dans la région du Turkestan oriental (province chinoise du Xinjiang) : Au moins un million de personnes y sont retenues dans des camps de rééducation, pour une durée indéterminée et sans procès, comme l’ont révélé les China Cables en novembre 2019.
« La Chine tente de taire la réalité et décrit ces camps comme des lieux de formation professionnelle. En réalité, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une version moderne des camps de concentration », explique Dolkun Isa, président du Congrès mondial ouïghour. Les proches des personnes détenues ne savent le plus souvent rien du lieu et des conditions de détention et subissent des actes d’intimidation : leur comportement aurait une influence sur le jugement des personnes détenues.
La Chine compte près de dix millions d’Ouïghour-e-s, dont la plupart vivent dans la province du Xinjang. Les Ouïghour-e-s sont un peuple turcophone de confession musulmane. Le Turkestan oriental fut annexé par la Chine après l’arrivée au pouvoir des communistes dans la région en 1949. Près de 100 Ouïghour-e-s vivent en Suisse.
Liens et dépendance économiques avec la Chine
La crise du coronavirus qui a éclaté en décembre 2019 et touche désormais de nombreux pays du monde a clairement mis en évidence la dépendance économique des pays européens vis-à-vis de la Chine. Lorsque la Chine doit faire face à une crise, la pénurie de biens essentiels (les masques chirurgicaux par exemple) se fait cruellement sentir en Europe. Et lorsque plus aucun article médical, téléphone portable ou composant automobile en provenance de Chine ne peut être livré, les répercussions sur la vie quotidienne ne se font pas attendre, en Suisse aussi.
Face à la crise du coronavirus, on oublie les autres conséquences que cette dépendance économique fait peser : sur les droits humains. Selon les China Files, 68 sociétés européennes sont aujourd’hui actives au Xinjiang, y compris des entreprises suisses. Et d’après un rapport de l’ASPI (Australian Strategic Policy Institute), entre 2017 et 2019, plus de 80 000 membres de la communauté ouïghoure ont été transférés des camps d’internement vers d’autres régions de Chine où ils sont forcés de travailler pour des fournisseurs d’entreprises internationales, sous étroite surveillance. Toujours selon l’ASPI, ces entreprises font partie des chaînes d’approvisionnement d’au moins 83 marques internationales et chinoises telles que Samsung, Sony, Microsoft, Nokia, Adidas, H&M, Lacoste ou Volkswagen.
En outre, la majorité des masques utilisés en Suisse proviennent de Chine. Il est impossible d’exclure qu’ils soient issus du travail forcé ; une recherche du New York Times a en effet montré que de nombreux producteurs de masques en Chine ont recours au travail forcé. Et une coalition de plus de 180 ONG a récemment lancé un appel à l’industrie textile mondiale, en soulignant qu’il est hautement probable que chaque cinquième produit de coton est en lien avec le travail forcé et les violations des droits humains en Turkestan oriental. La Chine est le plus grand producteur mondial de coton, 84 % de sa production vient du Turkestan oriental. Des marques comme H&M, C&A ou Calvin Klein sont soupçonnées de se procurer du coton de cette région.
Pas de « business as usual ! » : la Suisse doit renégocier le traité de libre-échange avec la Chine
Ces dernières années, la Suisse aussi a intensifié ses relations commerciales avec la Chine. Aujourd’hui, le pays doit faire preuve de responsabilité et ne pas se rendre complice de la Chine. Il doit s’engager plus fortement contre le régime chinois, pour faire respecter les droits humains.
- Dans le cadre de la Belt and Road Initiative (BRI), la Suisse a demandé à la Chine d’affirmer son engagement en faveur des droits humains et de la protection des « minorités ethniques », en vain. Malgré cela, le gouvernement suisse a signé une déclaration d’intention avec Pékin afin de consolider la coopération technique et économique entre les deux pays dans le cadre de la BRI.
- Les dispositions contenues dans l’accord de libre-échange actuel ne sont pas suffisamment contraignantes pour empêcher que des produits issus du travail forcé ou d’autres activités portant gravement atteinte aux droits humains ne parviennent sur le marché suisse, et cela en bénéficiant même d’allégements douaniers.
La Société pour les peuples menacés demande à la Suisse de suspendre le protocole d’entente en matière économique et financière s’inscrivant dans la Belt and Road Initiative et de renégocier l’accord de libre-échange avec la Chine.
Pétition pour la renégociation de l’accord de libre-échange avec la Chine
Au travers d’une pétition, la Société pour les peuples menacés, ensemble avec l’Association Ouïghours Suisse et l’organisation Campax demandent à la Suisse de renégocier l’accord de libre-échange avec la Chine. La pétition a reçu plus de 23 000 signatures et a été soumise le 7 septembre 2020.
Notre engagement pour la communauté des tibetain-e-s
Depuis la signature de l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine, la SPM et les organisations tibétaines constatent les répercussions négatives de l’influence grandissante de la Chine sur le respect des droits fondamentaux des Tibétain-e-s en Suisse, des droits qu’il convient de protéger.
Le Tibet se trouve sous contrôle de la Chine depuis plus de 60 ans. Avec près de 7500 personnes, la communauté tibétaine de Suisse est la plus grande d’Europe. En pleine Guerre froide, les réfugié-e-s tibétain-e-s furent accueilli-e-s à bras ouverts et un Bureau du Tibet, représentant de l’administration centrale tibétaine, vit même le jour à Genève.
Ces dernières années, la Suisse a entamé un rapprochement avec la Chine qui s’est concrétisé notamment par la signature d’un accord de libre-échange entre les deux pays en 2013 et dans lequel la question des droits humains ou de la situation des minorités est absente.
L’influence chinoise en Suisse
Les organisations tibétaines et la SPM s’inquiètent de l’influence grandissante du gouvernement chinois dont la Suisse n’est pas épargnée, notamment au regard des violations des droits à la libre expression, à son identité propre, à la liberté de circulation et à la vie privée :
- Liberté d’expression : en Suisse, s’exprimer sur la situation des droits humains au Tibet n’est pas toujours possible. Les rassemblements et les manifestations font de plus en plus l’objet de restrictions (p. ex. lors de la visite officielle de Xi Jinping en 2017).
- Droit d’avoir sa propre identité : la Suisse n’indique plus « Tibet » comme pays d’origine mais « Chine » sur les livrets pour étrangers délivrés aux Tibétain-e-s.
- Liberté de circulation : ces dernières années, il est devenu de plus en plus difficile pour les Tibétain-e-s d’obtenir, en Suisse aussi, les documents nécessaires pour voyager. Les personnes qui voient leur demande refusée ou rejetée par les autorités chinoises ne peuvent pas quitter la Suisse.
- Vie privée : l’influence de la Chine et les opérations de surveillance de la diaspora tibétaine ne cessent de croître en Suisse. Un constat établi également par le Service de renseignement de la Confédération.
La SPM en action
La campagne « Des droits pour les Tibétains et Tibétaines, en Suisse aussi ! » est soutenue par la SPM et ses organisations partenaires : l’Association des jeunes Tibétains en Europe (VTJE), l’Association d’amitié Suisse-Tibet (GSTF), la Communauté tibétaine pour la Suisse et le Liechtenstein (TGSL) et l’Organisation de femmes tibétaines en Suisse (TFOS). Ensemble, elles ont rédigé un rapport sur la situation des Tibétain-e-s en Suisse et créé une pétition pour une plus grande implication de la Suisse dans la protection de leurs droits.
Les Tibétain-e-s en Suisse
Les Tibétain-e-s installé-e-s en Suisse sont bien intégré-e-s. Pourtant, leur situation s’est aggravée ces dernières années.
On estime à près de 145 000 le nombre de Tibétain-e-s exhilé-e-s. La majorité d’entre eux se concentrent en Inde, au Népal ou au Bhoutan. La Suisse compte près de 7500 personnes d’origine tibétaine. Elles constituent la plus grande communauté tibétaine exilée en Europe.
Le lien privilégié qu’entretient la Suisse avec le Tibet remonte aux années 1960. A l’époque, la Suisse fut le premier pays d’Europe à accueillir des réfugié-e-s tibétain-e-s sur son territoire. En pleine Guerre froide, les réfugié-e-s tibétain-e-s furent accueilli-e-s à bras ouverts. En 1963, le Conseil fédéral autorisa l’accueil de 1000 réfugié-e-s tibétain-e-s. En 1964, il accepta la demande du dalaï-lama, chef du gouvernement tibétain en exil, d’ouvrir à Genève un bureau pour son représentant personnel en Suisse.
Les organisations tibétaines et la SPM constatent cependant que le rapprochement entre la Suisse et la Chine entamé ces dernières années s’est accompagné d’un certain désengagement de la part des autorités helvétiques à l’égard des Tibétain-e-s et du respect de leurs droits en Suisse.
Histoires
Revendications
En 2020, la Suisse et la Chine célèbreront le 70e anniversaire de leurs relations diplomatiques. Mais ces liens avec Pékin sont assortis d’une lourde responsabilité. La Société pour les peuples menacés demande aux autorités et aux responsables politiques suisses :
1) de renégocier l’accord de libre-échange avec la Chine et de garantir que
- le respect des droits humains, le droit du travail et les droits des minorités soient expressément confirmés dans l’accord de libre-échange,
- des clauses contraignantes relatives au respect des droits humains soient intégrées au texte afin de garantir qu’aucun produit issu du travail forcé ou d’autres activités portant gravement atteinte aux droits humains ne parvienne sur le marché suisse,
- les conflits en matière d’emploi et de travail soient portés devant un tribunal arbitral et que des mécanismes de contrôle solides soient mis en place,
- les entreprises suisses exercent leur devoir de diligence en matière de droits humains et veillent à ce qu’aucun produit issu du travail forcé ou d’autres activités portant gravement atteinte aux droits humains ne se retrouve dans leurs chaînes d’approvisionnement ;
2) de suspendre le protocole d’entente en matière économique et financière s’inscrivant dans la Belt and Road Initiative signé en avril 2019. Cette initiative favorise une coopération entre la Suisse et la Chine, qui vise à soutenir les entreprises dans le développement d’infrastructures dans des pays tiers, notamment en Asie centrale ;
3) de mettre en place des mesures concrètes visant à mettre un terme aux actes de surveillance et d’intimidation dont les communautés tibétaine et ouïghoure font l’objet en Suisse ;
4) de s’engager plus activement au niveau international et face à la Chine pour le respect des droits humains en Chine, tout particulièrement concernant les communautés tibétaine et ouïghoure ;
5) que Sa Sainteté le dalaï-lama soit reçu de manière officielle lors de sa prochaine visite en Suisse ;
6) que la liberté d’expression sur la situation au Tibet et au Turkestan oriental ainsi que sur la situation des droits humains en Chine soit pleinement garantie en Suisse.
Contact
Personne de contact auprès de la SPM :
Angela Mattli, responsable de campagne minorités et discrimination
Tél. +41 (0) 31 939 00 03